Société Après Internet, c'est au tour des graffitis de constituer la nouvelle attraction des jeunes de la ville de Batna. Bien que remontant à la Guerre de Libération durant laquelle le thème central était la liberté, cette forme d'expression a pris une ampleur sans précédent avec le recours à des techniques plus «branchées» et plus faciles, comme la bombe de peinture dont la faible contenance et la cherté (300 DA l?unité) limitent parfois l'utilisation. Dans les cités de Bouakal, Lambarkia et même au centre-ville, les murs des bâtisses et les clôtures se sont fait espaces ouverts d'expression. Surchargés d'inscriptions irisées en lettres arabes et latines, ces espaces «colonisés» ressemblent par endroits à de véritables fresques dont le non-sens apparent rivalise avec l'art pictural abstrait. Son occupation de l'espace public urbain, qui s'en retrouve défiguré, ne réduit pas «sa force expressive» évoquant les préoccupations, les espoirs et les désespoirs d'une jeunesse minée par «le chômage, la vision d'un avenir incertain et le rêve d'un ailleurs meilleur accessible par le seul visa», relève une psychologue. Les lycées et même l?université n?échappent pas à ce phénomène. Les inscriptions murales s'y distinguent, toutefois, par une forme particulière de «graffito» ressemblant a des épîtres lisibles par tous, mais ne s'adressant qu'à une personne ou un groupe de personnes, seuls à connaître leur pleine signification. Si certains jeunes «auteurs» de ces écrits s'adonnent à cet art par simple mimétisme, d'autres y voient un moyen de «dialoguer» avec une société où le réseau de rapports interpersonnels cède le pas à un individualisme cloisonnant. «On écrit sur les murs dans un moment de déception ou d'égarement, et ce n'est jamais un acte totalement raisonné», affirme une jeune universitaire qui y voit l'expression du choc avec le monde des adultes d'«un adolescent n'ayant pas eu droit à une enfance complètement normale». Pour un autre jeune, il s'agit plutôt d'un subterfuge pour «tuer le temps» ou encore «défier» la sensibilité d'une personne en particulier ou même de toute la société. Les psychologues expliquent ce comportement par la nécessité de «décharger» des ressentiments refoulés et l'expression d'«un besoin d'écoute d'une jeunesse livrée à elle-même». Source parfois de conflits de voisinage lorsque l'auteur est connu ou pris en flagrant délit, les graffiti de jeunes génèrent dans certains cas une forme de contre-graffiti, usitée par ceux-là mêmes qui s'y opposent et n?hésitent pas à transcrire une note murale interdisant toute écriture murale?