Réalité La Chine a délogé la Russie en quelques années pour devenir le premier client, le premier investisseur et bientôt le premier fournisseur de la Mongolie. La recette mongole est la parfaite illustration de la nouvelle politique de puissance menée par la République populaire de Chine. Avec ses voisins, relève un diplomate européen en poste en Mongolie, Pékin s'est fixé trois objectifs : la stabilité aux frontières de la puissance émergente ; la sécurité de ses approvisionnements en matières premières, et pour finir la rupture de l'encerclement stratégique attribué aux Etats-Unis. A Oulan-Bator, elle est sur le point de l'emporter sur les trois tableaux. Les prix pour la petite démocratie asiatique, c'est déjà une dépendance économique inquiétante. La pression économique chinoise a fini par briser le tabou. La Mongolie négocie avec Pékin ce qu'elle avait jusqu'à présent refusé : l'exploitation conjointe d'un autre trésor souterrain, le charbon. De source mongole, les discussions sont déjà au stade de la faisabilité. Il s'agit du gisement géant de Tavan Tolgoi, tout près de la frontière chinoise, doté d'une réserve évaluée à 6 milliards de tonnes. La mine n'ouvrirait pas avant plusieurs années, mais la voracité chinoise parle d'elle-même. L'an dernier, la République populaire a importé 500 000 tonnes de charbon de Mongolie. Cette année, elle devrait engloutir plus de 1,5 million de tonnes. Jusqu'où peut aller la dépendance ? A Oulan-Bator, personne ne semble encore prêt à admettre que des pressions politiques pourraient suivre. Une enquête de stratégie conduite par la fondation Soros auprès d'une centaine de représentants de la classe politique mongole mène pourtant le scénario jusqu'au terme possible. Dans l'hypothèse rose, la Mongolie réussit à conserver son trésor et à s'imposer comme un îlot de démocratie, une sorte de Suisse d'Asie centrale. Dans l'hypothèse noire, elle se retrouve de facto absorbée par le géant chinois en quelques décennies. «L'inquiétude est déjà dans toutes les têtes», dit l'Américain Stephen Vance, auteur de l'enquête.