Le résultat des élections législatives de dimanche dernier en Mongolie a plongé cette jeune démocratie dans une période d'incertitude et de confusion : les ex-communistes au pouvoir et l'opposition libérale se sont retrouvés avec le même nombre de sièges au Parlement et se sont accusés réciproquement de tricherie. Un test difficile pour un système démocratique instauré il y a un peu plus de dix ans dans un pays parmi les plus pauvres du monde. Les vicissitudes de l'histoire ont confiné la Mongolie dans une situation de dépendance, voire de domination étrangère. Devenue province de l'empire chinois (dynastie mandchoue des Qing) jusqu'en juillet 1911, la Mongolie connaît une brève période d'indépendance sous l'autorité politique et théocratique du Bogdo Gegen, le chef du culte lamaïste mongol. Mais très vite, le pays se trouve partiellement occupé, tour à tour par les troupes républicaines chinoises, les armées de la Russie blanche et les troupes levées par un illuminé d'origine balte, le baron Urgern von Stenberg dont l'ambition, pour contrecarrer la révolution bolchevique, est de fonder un ordre militaire de chevaliers bouddhiques. A partir de 1921, commence la «seconde révolution mongole» conduite par Soukhebator, le chef du Parti populaire mongol (PPM) proche des Bolcheviques. A sa mort en 1923, le pouvoir passe à Horlogiin Tchoibalsan. La Mongolie, tout en conservant son indépendance, s'érige en 1924 en République populaire, strictement alignée sur l'URSS. L'ancienne capitale, Ourga, est alors rebaptisée Oulan-Bator (le Héros rouge). L'économie mongole sera progressivement collectivisée sur le modèle soviétique, tandis que sont organisées, durant la période stalinienne, des purges politiques et une sévère répression antireligieuse où disparaissent près de 100 000 personnes et environ 700 monastères. Après la disparition du maréchal Tchoibalsan en 1952, le «Brejnev mongol» Yumjaagin Tsedenbal, secrétaire général du Parti communiste mongol (PPRM) prend la tête du pouvoir et accentue encore la collectivisation, y compris celle du cheptel, principal élément économique et identitaire mongol. L'adoption de la Constitution de 1960 consacre les principes collectivistes de l'organisation politique et sociale du régime. En 1962, l'entrée de la Mongolie dans le Comecon et l'installation sur son territoire de 55 000 soldats soviétiques (pour une armée mongole comptant seulement 20 000 hommes) placent, de fait, ce pays en position de «glacis» entre l'URSS et la Chine. Après 32 ans de pouvoir, Tsedenbal est remplacé en 1984 par une personnalité plus libérale, Jambyn Batmônk, qui s'efforce de promouvoir des concepts inspirés de la perestroïka et de la glasnost ; les quelques observateurs occidentaux de la vie politique mongole se hasardent alors à qualifier ce mouvement de «mongolstroïka». La chute du mur de Berlin, la création d'une association démocratique mongole en 1989, la multiplication de manifestations populaires spontanées vont accélérer cette tendance et acculer le comité central du PPRM à la démission, en mars 1990. Dans le même temps, l'effritement de l'URSS va permettre à la Mongolie de trouver les voies propres de sa libéralisation politique. Le multipartisme est introduit en mai 1990, et des élections libres et pluralistes sont organisées dès juillet 1990. Une nouvelle Constitution, adoptée en janvier 1992, établit un régime de type semi-parlementaire.