Souvent les diseuses de bonne aventure sont confondues avec les mendiantes, pourtant la langue les distingue soigneusement en leur donnant des appellations différentes : guezzanat pour les premières, t?alabat pour les secondes. La confusion vient peut-être du fait que les diseuses de bonne aventure sont souvent en guenilles et qu?elles demandent l'aumône. La langue distingue également entre la voyante ? donc guezzana ? et la sorcière, sah'ara : alors que la première se contente de dire l?avenir en procédant à quelque rite de divination, comme lire dans les lignes de la main, la seconde s'adonne à la confection de charmes et jette des sorts. Toutes deux recourent au surnaturel mais alors que la guezzana est «inoffensive», la sorcière, elle, peut être dangereuse, les talismans fabriqués étant destinés à faire du mal. D'ailleurs, la voyance est souvent le fait de femmes «possédées» qui, croit-on, reçoivent l'inspiration des djinns qui les «habitent». C'est pourquoi, si on craint et, souvent, si on déteste les sorcières, on respecte les voyantes et on les sollicite. Signalons toutefois que par une certaine perversion des rôles, des voyantes s'adonnent parfois, par appât du gain, à des activités de sorcellerie. La voyance et la sorcellerie sont souvent des activités féminines bien que des hommes, les fameux «cheikhs», s'y adonnent aussi. Si le mot, qui désigne le sorcier et la sorcière ? sahh'ar et sahh'ara ?, est d'origine arabe, y compris dans les dialectes berbères, le mot qui désigne la voyante, guezzana, est, lui, d'origine berbère : on le retrouve dans les dialectes berbères et arabes, et le lointain touareg connaît un verbe, gehen/gezen, qui signifie «tirer des présages en traçant des figures sur le sable». Signalons tout de même que les dialectes arabes connaissent une autre dénomination de la voyante : chuwafa, dérivée du verbe chuf (voir, apercevoir), c'est-à-dire l'avenir !