En même temps que se multiplient les agressions, les vols à la tire et les cambriolages, la mendicité, le deuxième plus vieux métier du monde, prend des proportions démesurées, puisque partout où passe le citoyen, le phénomène est omniprésent. Des mendiantes, drapées dans des haïks ou hidjebs, occupent les rues les plus fréquentées, les parvis des mosquées etc. Parfois, elles s'installent à même le trottoir, entourées de leur progéniture. Souvent, des jeunes garçons ou filles, vêtus de haillons pour attendrir les passants, « hantent » les places publiques. Le phénomène prend plus d'ampleur les jours de marché ou lors des fêtes religieuses. Qu'est-ce qui a produit, se demandent d'aucuns, cette explosion ahurissante de la mendicité, au moment où le pays semble connaître une embellie économique ? Au moment où l'on parle aussi du recul du chômage, donc du recul de la pauvreté ! Pour nombre de citoyens interrogés, la mendicité constitue un véritable créneau commercial, voire un fonds de commerce où l'on reçoit sans rien donner en retour. D'autres personnes voient en ce phénomène, une pratique avilissante qui ôte à celui ou à celle qui l'exerce, toute dignité. Un citoyen nous confie : « Nul besoin de faire montre de sa pauvreté. Tout le monde connaît les nécessiteux. Les gens qu'on voit faire la manche viennent de partout ». En effet, la mendicité ne se fait plus selon les clichés anciens qui consistaient à quémander dans sa propre ville. Aujourd'hui, les vrais faux mendiants se déplacent d'une cité à l'autre, d'une ville à l'autre, généralement les jours de marché quand il y a foule. Parfois, ils se déplacent avec toute la marmaille pour mieux glaner la petite monnaie. Des enfants, filles et garçons font le tour des cafés, ressassant à l'envi des formules connues et archi-connues. Comme toujours, tout est fait pour susciter la pitié des passants. Par ailleurs, et c'est là où réside la nouveauté, une autre race de mendiants aux méthodes proches de l'arnaque et de l'escroquerie, a émergé. On use et abuse de mensonges pour soutirer quelques dinars aux passants. Mais d'une façon générale, c'est dans l'enceinte même des mosquées qu'opèrent ces nouveaux mendiants. Juste après la prière, ils racontent « leurs histoires », arguant trop souvent qu'ils souffrent d'une grave maladie, laquelle nécessite une intervention particulièrement onéreuse, ou bien mettant en avant le fait qu'ils ont des soucis d'argent. En somme, des clichés par trop récurrents auxquels peu de personnes accordent du crédit. Au fait, d'où viennent tous ces mendiants qui essaiment les places publiques, les parvis des mosquées ? Il paraît que beaucoup d'entre eux viennent du pays voisin qu'est la Tunisie. D'ailleurs, qui ne se souvient pas de ces fameuses « guezzanates » (les diseuses de bonne aventure), qui ont pendant de longues années, hanté nos villes et villages pour soi-disant prédire l'avenir aux malheureux, aux filles célibataires, aux femmes divorcées ? Cela étant, le phénomène de la mendicité, pour se régénérer, change de visage et de forme, et ceux qui en ont fait un travail, ne manquent pas d'imagination. Ils ont plus d'un tour dans leur sac pour obtenir gain de cause. Nous avons essayé de soutirer quelques renseignements, surtout aux enfants qui les accompagnent, mais en vain. Ils esquivent nos questions ou répondent de façon évasive. Aussi, est-il difficile de les connaître ou de percer leurs secrets. Il reste que les proportions prises par la mendicité sont telles qu'il va falloir mobiliser sociologues et psychologues pour mieux appréhender le phénomène en vue de son éradication.