C'est en période de grandes chaleurs que l'on peut vraiment dire que l'eau est une source de vie. Qu'elle vienne à manquer et on souffre de soif, on se déshydrate et on court le risque de mourir ! On dit lma' en arabe et aman en berbère. Si le mot berbère est toujours au pluriel, le mot arabe, lui, est toujours au singulier : le cIassique connaît bien une forme plurielle, miyâh, mais celle-ci n'est pas employée dans le dialectal. Le berbère et l'arabe dialectal se rejoignent donc : l'eau est une réalité conçue comme une totalité que l'on ne peut, qu'elle soit au singulier ou au pluriel, dénombrer. Bien que l'arabe dialectal connaisse un diminutif féminin, mwiha «petite eau», ma' et aman sont au masculin. Arbitraire du langage qui attribue aux mots des genres par hasard ou alors attribution motivée ? Ici, le genre est peut-être en rapport avec d'anciennes croyances. On sait que les Berbères personnifiaient l'eau sous la forme d'un génie ou d'un dieu, Anzar, terme désignant aujourd'hui la pluie, dans la plupart des dialectes. On sait aussi, par les inscriptions, qu'il a existé dans l'antiquité algérienne un dieu appelé Lilleo, mot qu'il faut rattacher à une racine, lilI, en rapport avec l'eau. «Lma', dit le dicton, menba' al hayat», «l'eau est source de vie» et, en berbère : aman, ttudert, «l'eau c'est la vie». C'est sans doute pourquoi on en donne toujours aux mourants en la leur faisant prendre par gouttes : il y a là comme un désir inconscient de retenir la vie qui s'échappe ! L'eau, croit-on encore, éloigne les mauvais esprits, aussi mettait-on, autrefois, des cruches dans les chambres où se trouvaient des nourrissons, cibles favorites des génies ! De par son importance, l'eau sert de désignation à plusieurs référents : la pluie, bien sûr, la sueur, mais aussi les référants que par pudeur, on ne peut pas nommer : l'urine, le sperme...