Regard ■ Le musée d'art moderne d'Alger abrite depuis jeudi la 5e édition du Festival national de la photographie d'art. Cette édition, qui regroupe une centaine de photographies, a pour thème : «La condition humaine.» Le Festival, auquel participent vingt et un photographes amateurs et professionnels, braque son objectif sur des faits authentiques, exceptionnels, tous suscitent l'intérêt des artistes. Ces faits sont «des petits riens de la vie quotidienne». Les photographes, en toute simplicité mais avec une touche artistique, zooment sur les gens ordinaires et le monde qui les environne. Ils photographient «la frénésie de la vie et du monde d'aujourd'hui», ils mettent en image «les tensions et les bouleversements qui agitent tous les secteurs de la vie». Les photographies explorent, en couleurs ou en noir en blanc, des thèmes aussi variés que le voyage, le regard sur l'autre, l'environnement ou encore la solitude à travers des portraits, des scènes de vie ou des compositions. C'est ainsi que Berredjem Atef juxtapose de manière directe, brute, voire ironique, les mises en scène, combinant des portraits, souvent de face, d'un ou de plusieurs modèles. Les corps sont peints et pris dans des positions statiques. Les visages sont inexpressifs et les regards figés. L'homme se perd alors dans une atmosphère froide et déroutante, un espace étouffant, voire un milieu carcéral. De son côté, Ammar Bourras propose, à travers une juxtaposition minutieuse de plusieurs clichés, des vues multiples sur la région saharienne d'In Ekker (Tamanrasset), où des essais nucléaires souterrains avaient été menés par l'armée française dans les années 1960.Titrés comme les coordonneés géographiques (longitude et latitude) où ont lieu ces essais, ces trois œuvres montrent des amas de métaux radioactifs et de déchets industriels entreposés après les essais et qui sont aujourd'hui «déterrés» et «revendus» par des habitants de la région, explique Ammar Bourras. Ce travail, mené durant deux années par l'artiste, tente d'interpeller le visiteur à la fois sur les conséquences environnementales des essais nucléaires français, mais aussi, selon l'artiste, sur «le manque de sensibilisation» des habitants aux dangers inhérents au ramassage de ces métaux radioactifs. Felfoul Bilal, qui propulse son imagination dans des contrées inconnues, a pour idée de créer une image qui illustre une histoire ou une situation, le tout contenu dans une seule image mariant le fond et la forme. Mise en scène absurde influencée par la peinture surréaliste et la photographie narrative. L'artiste œuvre dans la photographie conceptuelle. Son cliché – la photo est composée d'une assiette dans laquelle figure de la nourriture, une plante, une cuillère et un couteau – attire immédiatement le regard et leur force peut parfois surprendre. Quant à Tifadi Karim Nazim, il met en scène des poupées dans un univers coloré et lumineux composés de matériaux électroniques de récupération. Des ces compositions, curieuses et originales, l'artiste veut attirer l'attention, selon lui, sur «la communication à outrance». «J'essaie de contraster cela dans le monde actuel et sur la solitude paradoxale qui résulte de la trop grande présence des technologies de l'information», explique-t-il. L'exposition, qui se poursuit jusqu'au 20 novembre, souligne la pertinence de sujets toujours d'actualité, sujets qui nous amènent à supposer que la société d'aujourd'hui n'est peut-être pas si différente de celle d'hier.