Si le rire est l'expression de la gaieté, il est aussi, dit-on, l'expression de la bêtise, surtout quand il est sans raison : d'ahka bla ma'âna, dit-on (rire sans raison). On dit aussi «elli d'h 'ak ya'ti begra» (celui qui rit donne une vache). On raconte qu'un groupe d'hommes, accusé du vol d'une vache, comparaît devant un juge : les accusés sont silencieux, mais voilà que l'un d'eux se met à rire bruyamment. Le juge l'accuse alors du vol et l'oblige à remettre une vache comme compensation. Le rire, c'est aussi la moquerie, la dérision : yed'h'ak âliya, littéralement «il rit de moi», c'est-à-dire «il se moque de moi», yed'ah'ku â'lih ennas (les gens se moquent de lui, il est l'objet de la dérision, de l'ironie, voire du mépris des autres)... Mais, dit le proverbe, «D'h'ak u yd'ah'ek» (il rit mais c'est lui qui fait rire), c'est-à-dire qu'il se moque des autres alors qu'il est plein de défauts et de travers. On cite à ce propos l'anecdote de la brebis égorgée (el-medbuh'a) qui se moque de la brebis écorchée (el-meslukha) : la situation de l'une n'est guère plus enviable que celle de l'autre, mais elle trouve le moyen de se moquer d'elle ! Une autre expression dit : «Dah'ket buzelluf» (rire de la tête de mouton flambant sur des braises) ; c'est l'écartement des lèvres qui découvre les dents qui donne cette impression de rire : le rire ici symbolise la bêtise de celui qui se moque de son propre malheur ! Ce genre de personnes, on ne les plaint pas, bien au contraire, on les condamne et? on se moque d?elles : «Qui trouve des enfants de dérision et ne se moque pas d'eux, dit un proverbe kabyle, Dieu lui fera des reproches le jour du Jugement» ! Un autre proverbe avertit cependant : «Lli yed'h'ak, yelh'eq» (qui se moque des autres sera lui-même objet de risée). La morale est sauve : il ne faut pas rire des autres, il ne faut pas se moquer des autres !