Impuissance ■ Les valeurs sociales et religieuses sont outrepassées par les habitudes outrageuses du gaspillage. Des dizaines de baguettes de pain, placées dans des sachets noirs font souvent partie du décor de nos cités et quartiers envahis par la saleté et toutes sortes de détritus qui jonchent les moindres coins et recoins. Des odeurs nauséabondes émanant de repas jetés également de façon inappropriée. Au-delà de ce geste lourd de conséquences pour l'environnement, ce décor reflète le degré qu'a atteint le gaspillage dans notre société. On s'amuse à acheter des quantités dépassant les besoins et ensuite on jette, parfois, sans avoir touché le produit alimentaire en question. C'est une nouvelle culture destructive qui s'est installée, ces dernières années, dans la société algérienne faisant fi de toutes les valeurs sociales et religieuses qui devaient constituer un rempart contre ces «dérapages» immoraux. Le pain, par exemple, était considéré comme sacré, au point d'être nommé «Ennaâma» (la bénédiction). Les parents apprenaient à leurs enfants que lorsqu'ils trouvaient un bout de pain (ou de galette) par terre, ils devaient l'embrasser avant de le déposer dans un endroit où il ne pourrait pas être foulé par les passants. Les enfants étaient aussi sévèrement punis au cas où ils jetaient du pain. Idem pour l'eau, dont le moindre gaspillage provoquait l'ire des parents et même de l'entourage immédiat. Cette précieuse valeur sociale a, hélas, disparu, notamment dans les espaces urbains, où ces deux aliments de base semblent dévalorisés. A l'école, les élèves apprenaient aussi à adopter un comportement décent et civique concernant leur mode de consommation. La religion musulmane réprouve sévèrement le gaspillage, le mettant presque sur le même pied d'égalité que la mécréance. Avec tous ces repères indéniables, une grande partie de citoyens tournent le dos aussi bien au civisme qu'à la morale publique. Le gaz, l'électricité, les carburants ne sont pas en reste. Dans les foyers, par exemple, on s'entête, (inconsciemment ?) à laisser, par exemple, toutes les lampes allumées, alors qu'on est rassemblé dans une seule (très souvent au salon) ! On a tendance à laisser le chauffage en état de marche même après le passage des jours de grand froid et en été on abuse de l'utilisation des climatiseurs. Et les exemples sont légion dans plusieurs domaines de la vie quotidienne. Les campagnes de sensibilisation menées à travers les mosquées et les associations de la société civile se sont , jusque-là, été avérées vaines. Le gaspillage a, il faut le dire, pris place dans les esprits des Algériens. «Au fond de nous-mêmes, on n'aime pas le gaspillage, mais on gaspille sans s'en rendre compte», avoue Hamid, la quarantaine, cadre dans une entreprise privée à Alger. «A chaque fois, j'ai des remords après avoir gaspillé. Je jure de ne plus refaire ça, mais le lendemain je refais la même chose. Ça devient un comportement instantané et impossible à éviter», ajoute-t-il. Y aurait-il une solution? Que devrait-on faire pour réinstaurer le civisme dans notre société ? La répression constitue-t-elle la meilleure issue ?... Ce sont des questions à se poser.