Débordée par l'arrivée de 1,2 million de migrants l'an dernier, fuyant pour la plupart les guerres en Syrie, en Irak et en Afghanistan, l'UE s'est divisée comme jamais ces derniers mois sur la réponse à apporter. Alors qu'une crise humanitaire guette en Grèce , où 46 000 migrants sont bloqués dans des conditions épouvantables devant une «Route des Balkans» désormais fermée, la pression était maximale sur les Européens pour trouver enfin une solution. Certains Etats membres étaient réticents jusqu'au dernier moment, craignant l'illégalité du renvoi des demandeurs d'asile ou rechignant à faire trop de concessions à la Turquie, accusée de dérive autoritaire. A dater de ce 20 mars, tous les nouveaux migrants arrivant en Grèce en provenance de Turquie seront renvoyés vers ce pays. Au terme de plusieurs jours de négociations, l'Union européenne et Ankara ont conclu un accord destiné à mettre fin aux dangereuses traversées de la mer Egée et à «briser le 'business model' des passeurs». L'accord prévoit, afin de ne pas contrevenir au droit international, que toute demande d'asile fera l'objet d'un «examen individuel» sur les îles grecques. D'accord pour verrouiller ! Engagement - L'UE et la Turquie ont conclu un accord inédit et controversé, censé mettre un coup d'arrêt à l'afflux de migrants vers l'Europe, mais dont la mise en œuvre promet d'être d'une grande complexité. «C'est un jour historique», a déclaré vendredi dernier le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu. «Nous avons réalisé aujourd'hui que la Turquie et l'UE avaient la même destinée». Ainsi, à partir de ce dimanche 20 mars, tous les «nouveaux migrants irréguliers» arrivant en Grèce pourront être refoulés en Turquie. Ils pourront, certes, faire une demande d'asile en Grèce. Mais, Athènes s'engageant à reconnaître la Turquie comme «pays tiers sûr», cette requête pourra être refusée par les juges, particulièrement pour les Syriens, au motif que la Turquie leur offre des conditions de sécurité équivalentes à celles protégeant des réfugiés. Cette mesure «temporaire et extraordinaire» vise, selon les conclusions du conseil de vendredi, à «casser le modèle économique des migrants» et à «en finir avec la souffrance humaine». Par ailleurs, pour un Syrien renvoyé en Turquie, un autre Syrien, resté dans les camps de réfugiés en Turquie, sera envoyé en Europe grâce à un corridor humanitaire. L'échange sera plafonné à 72 000 personnes, la Hongrie et d'autres pays européens s'opposant à en accueillir plus. Ces réinstallations doivent commencer le jour où démarreront les premiers renvois en Turquie, «nous ne voulons pas devenir la prison à réfugiés de l'Union», a lancé M. Davotoglu à ses partenaires. «Ce n'est pas un très bon accord, mais on est bien obligés. Personne n'en est fier, mais on n'a pas d'alternative», a résumé un diplomate européen. Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a estimé pour sa part que la manière dont l'accord sera mis en œuvre serait «cruciale». «Les réfugiés ont besoin de protection et pas de rejet», a ajouté l'organisation dans un communiqué. «C'est un travail herculéen qui nous attend», a reconnu le président de l'exécutif européen, Jean-Claude Juncker. Une logistique complexe va en effet devoir être déployée sur les îles grecques en un temps record. La Commission européenne a assuré que le mécanisme respectait le droit international. Chaque demandeur d'asile qui arrivera sur les côtes grecques à partir de dimanche aura droit à un examen individualisé et le droit de faire appel de la décision de renvoi. Pour chaque Syrien renvoyé, les Européens se sont engagés à «réinstaller» dans l'UE un autre Syrien depuis la Turquie. Ce dispositif sera plafonné à 72 000 places offertes en Europe. Ces renvois «commenceront à partir du 4 avril prochain», a assuré la chancelière allemande Angela Merkel, qui a joué un rôle-clé dans la genèse de l'accord.