Situation n Pour les habitants d'Alep, le cessez-le-feu décrété il y a deux mois en Syrie est bel et bien mort avec l'intensification des bombardements sanglants. «Je ne sais pas de quelle trêve ils parlent. Il n'y a pas de trêve ici», s'écrit Abou Mohammed, qui réside dans la partie est de la ville d'Alep contrôlée par les rebelles. «Les bombardements et les tirs de roquettes ne s'arrêtent jamais. C'est comme si on était en pleine Guerre mondiale», poursuit ce propriétaire d'une échoppe, père de quatre enfants. Les habitants de la partie ouest contrôlée par le régime sont tout aussi irrités d'entendre les grandes puissances parler d'une cessation des hostilités. «Trêve ! C'est devenu un mot provocateur que les habitants d'Alep ne peuvent plus supporter», lance Saad Aliya, un chauffeur de taxi de 27 ans. «Je ne crois pas qu'un seul des combattants à Alep veuille la trêve. Ce sont tous des assassins et ils sont en train de nous assassiner !» «Si c'est ça la trêve, je vous en conjure, ramenez-nous la guerre!», explose-t-il. En fait, «si la trêve tient, c'est entre les Etats-Unis et la Russie, pas entre l'opposition et le régime», résume Abou Mohammed. «Nous ne sommes pas prêts à la déclarer morte», a dit le département d'Etat. «Celle-ci tient en dehors d'Alep. Nous reconnaissons que, dans et autour d'Alep, il y a de multiples incidents qui nous préoccupent sérieusement». «La situation sur le terrain ainsi que sur le plan politique provoque une grande inquiétude», ont déclaré pour leur part les Affaires étrangères russes. «Le cessez-le-feu résiste mais il est sérieusement mis au défi, presque quotidiennement». Les grandes puissances avaient espéré que le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 février facilite les pourparlers de paix entre régime et rebelles pour trouver une solution à une guerre ayant déjà tué plus de 270 000 personnes en cinq ans. Mais à Genève, le troisième round de négociations parrainées par l'ONU s'achevait hier mercredi, sans aucun progrès puisque les principaux représentants de l'opposition ont quitté la table des négociations pour protester contre la dégradation de la situation humanitaire et les violations de la trêve. Ces derniers jours, les bombardements dans la province d'Alep (nord), notamment dans la ville éponyme, se sont multipliés, provoquant la mort de plus d'une centaine de civils depuis vendredi dernier. Hier, au moins 20 civils ont été tués lors d'un raid aérien des forces gouvernementales syriennes contre un hôpital et un immeuble résidentiel contrôlés par la rébellion à Alep. Les personnes tuées ces derniers jours «sont des habitants, des femmes et des enfants pour la plupart : où est donc la trêve ?», lance Mohammed Kahil, médecin légiste dans la partie est d'Alep, ville coupée en deux depuis 2012. R. I. / Agences «Revitaliser» le cessez-le-feu l C'est le vœu de l'envoyé spécial de l'ONU sur la Syrie, Staffan de Mistura. Au cours d'une conférence de presse donnée dans la nuit dernière, à Genève, M. de Mistura a indiqué qu'il avait lancé un appel devant le Conseil de sécurité de l'ONU aux Etats-Unis et à la Russie, les deux initiateurs du cessez-le-feu introduit le 27 février, pour qu'ils agissent en ce sens. L'envoyé spécial a notamment recommandé au Conseil de sécurité d'organiser dans un futur proche une rencontre du GISS (Groupe international de soutien à la Syrie composé de 17 pays et co-présidé par la Russie et les Etats-Unis, ndlr). «Durant ces dernières 48 heures, un Syrien est mort toutes les 25 minutes, le dernier pédiatre d'Alep aurait été tué lors des bombardements survenus» dans la soirée, a déploré M. de Mistura. «Le cessez-le-feu est toujours vivant, mais il est en grand danger», a-t-il dit. «Nous voulons obtenir cette réunion du GISS avant de lancer le nouveau round au courant du mois de mai», a-t-il dit.