Tempérament n Le président américain Donald Trump continue de vilipender publiquement les médias, un discours qui porte auprès de sa base mais bénéficie aussi, paradoxalement, à la presse. Les chaînes d'information continue, qui n'étaient pas au mieux il y a encore deux ans, battent des records d'audience, tandis que beaucoup de sites de journaux engrangent les abonnés par milliers depuis l'arrivée au pouvoir de l'homme d'affaires. "Trump, c'est de l'or pour les grands médias traditionnels", considère Tobe Berkovitz, ancien consultant politique aujourd'hui professeur de communication à la Boston University. De son côté, le nouveau président a "un bouc émissaire qu'il peut blâmer pour tous ses faux pas", dit-il. "Les deux camps vivent assez bien l'un avec l'autre." Pour Dan Kennedy, professeur de journalisme à l'université de Northeastern de Boston, le psychodrame est "proche d'un spectacle", sorte de télé-réalité quotidienne. Dernier épisode en date, l'annonce par Donald Trump de la tenue d'une réunion publique samedi en Pennsylvanie, jour du dîner des correspondants de la Maison Blanche, qu'il avait déjà choisi de bouder. Donald Trump ne cesse de se plaindre de la malhonnêteté des médias, accusés, à longueur de journée, de publier de "fausses nouvelles" (fake news), mais "appelle beaucoup des reporters qu'il critique publiquement", souligne Dan Kennedy. Dans un article intitulé "la fausse guerre de Trump contre les fausses informations", deux journalistes du site d'information Politico décrivent des "interactions cordiales" entre le président et des journalistes, "à qui il témoigne souvent davantage de courtoisie qu'à ses propres équipes". Pour Charlie Spiering, journaliste au sein du site d'information ultra-conservateur Breitbart News, en s'attaquant publiquement aux médias, Donald Trump ne cherche pas à les dénigrer mais se contente de tenir un discours "populaire auprès de sa base", a-t-il expliqué récemment lors d'une conférence organisée par le musée de la presse de Washington, le Newseum. Au-delà de la flambée des audiences, le climat d'agressivité instauré par le président des Etats-Unis pourrait avoir des conséquences néfastes pour les médias, préviennent certains. "Si c'est mauvais pour la démocratie, c'est mauvais pour la presse", estime Jeff Jarvis, professeur à l'université publique de New York. Même si l'embellie que connaît la presse pourrait survivre au départ de Donald Trump, avance Dan Kennedy, compte tenu de la méfiance, désormais bien ancrée, pour les "fausses informations" et envers les réseaux sociaux, "souligner les revenus que la presse tire d'un désastre est cynique", tempère Jeff Jarvis. "Saper le rôle d'observateur, d'éducateur et d'intermédiaire de la presse en en faisant un ennemi permet à l'administration (Trump) de délégitimer d'autres institutions et d'inventer d'autres ennemis", notamment le système judiciaire, les services de renseignement, les immigrés et certaines races et religions, ont écrit Ronnelle Andersen Jones de l'université d'Utah et Lisa Grow Sun de l'université Brigham Young dans un récent article. l L'opinion réprouve les tensions persistantes entre le président et les journalistes, une relation qui a été décrite comme "malsaine" par 83% des sondés dans une enquête publiée, début avril, par l'institut indépendant Pew Research Center. Pour 73% des personnes interrogées, ces rapports nuisent à l'accès des Américains à l'information politique importante. Si Donald Trump a tiré le premier, pour beaucoup d'Américains, selon Tobe Berkovitz, de nombreux journalistes ont outrepassé leur rôle pour se muer en opposants à l'administration Trump. Pour lui, "tout ce qui était à la base du journalisme ne l'est plus". Vers un bilan gonflé ? l La Maison Blanche a commencé à dresser un bilan avantageux des 100 premiers jours, énumérant les accomplissements du dirigeant républicain: 30 décrets signés, 28 lois promulguées, baisse du nombre d'arrivées de clandestins, 38 coups de fils avec des dirigeants étrangers... En comparant au besoin ces statistiques à celles de ses prédécesseurs. "Le monde réagit au leadership que le président a institué à Washington", a déclaré Sean Spicer, son porte-parole, vantant l'action internationale de M. Trump. Sur le plan intérieur, le bilan réel est pourtant mince. Deux de ses projets phares, la fermeture sélective des frontières et l'abrogation de la loi sur la santé "Obamacare", ont échoué. S'il a engagé une vague de déréglementation économique et environnementale massive, ses effets mettront des mois ou des années à se produire. Seule la confirmation du juge conservateur Neil Gorsuch à la Cour suprême représente une victoire indéniable. Ce qui explique la tension régnant au Congrès à l'approche de la date butoir de vendredi minuit, avant laquelle les élus doivent impérativement adopter un budget. L'échéance coïncide avec le 100e jour du mandat, samedi. Au-delà, l'Etat fédéral n'est plus financé et risquerait de fermer ses administrations, une paralysie humiliante pour le nouveau pouvoir républicain. La minorité démocrate du Sénat dispose d'un pouvoir effectif d'obstructionet a menacé de l'utiliser si le président américain persistait à exiger que cette loi budgétaire inclue des crédits pour lancer le chantier de son mur à la frontière avec le Mexique. Mais M. Trump semble avoir lâché du lest. Selon des journalistes conservateurs reçus à la Maison Blanche lundi, il aurait accepté de reporter à plus tard la question du financement du mur. Les démocrates ont crié victoire. "Nous sommes contents qu'il ait reculé", a déclaré mardi le sénateur Chuck Schumer. "Les négociations peuvent reprendre". Le locataire de la Maison Blanche n'a ni confirmé ni infirmé ce recul, répétant son objectif final: "le mur sera construit". Une affaire de famille Pendant des années, Donald Trump a géré ses affaires en famille, employant ses enfants au sein de la Trump Organization, l'entreprise new-yorkaise qui chapeaute ses affaires. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, le milliardaire n'a pas changé. Sa famille n'a fait que gagner en influence, prêtant le flanc à d'innombrables allégations de népotisme et conflits d'intérêt. Ivanka, 35 ans, fille aînée du milliardaire, a depuis le début de la présidence son bureau à la Maison Blanche. Cette ex-mannequin et cheffe d'entreprise, surnommée la "Première fille" tant elle a l'oreille du président, participe souvent aux rencontres ou aux coups de fil officiels de son père, qu'il s'agisse de dirigeants étrangers, de chefs d'entreprise ou d'astronautes de la station spatiale internationale. Depuis fin mars, son statut de conseillère est officiel. Elle a effectué à ce titre son premier déplacement à l'étranger cette semaine, à Berlin, où elle été forcée de défendre l'attitude de son père envers les femmes. Son mari, le très télégénique Jared Kushner, 36 ans, qui a fait fortune dans l'immobilier comme M. Trump, est lui aussi l'un des plus proches conseillers du président. M. Kushner semble aussi influent sur les dossiers diplomatiques que le secrétaire d'Etat Rex Tillerson. Il aurait organisé la rencontre de Donald Trump avec le président chinois Xi Jinping à Mar-a-Lago début avril. Juste avant cela, il rencontrait à Bagdad le Premier ministre irakien. Donald Jr, 39 ans et Eric, 33 ans, les deux autres enfants du premier mariage de Donald Trump, ont officiellement repris les rênes de la Trump Organization depuis l'investiture, même si leur père a gardé ses parts. Passionnés de chasse, ce sont eux qui voyagent à travers les Etats-Unis et les quatre coins du monde pour inaugurer un nouvel hôtel ou un golf siglé "Trump", moyennant des mesures de sécurité onéreuses et très critiquées par les démocrates. Melania, troisième épouse de Trump, 47 ans, reste un point d'interrogation. Cette ex-mannequin d'origine slovène, qui a gardé un fort accent, ne met quasiment jamais les pieds à Washington et a décidé de rester dans ses appartements de la Trump Tower à New York, jusqu'à la fin de l'année scolaire avec leur fils Barron, 11 ans. Les spéculations abondent sur son refus apparent d'embrasser les rôles traditionnellement dévolus aux Premières dames et sur ses relations avec le président, qui a 24 ans de plus qu'elle. Melania et Barron doivent néanmoins le rejoindre à Washington cet été.