Résumé de la 3e partie -On ne sait qu'une chose : il emporte un prématuré de sept mois et demi, en lui tenant un couteau sur la gorge. Son regard fait le va-et-vient entre l'enfant et la boutique toute proche. La promesse d'une gorgée d'eau fraîche l'emporte. Le policier a compris qu'il tenait une minuscule bribe de confiance provisoire. — J'y vais. On arrête là, que personne ne bouge avant mon retour. La voiture stoppe devant l'épicerie. La mère voit le policier descendre et se diriger d'un pas tranquille vers la boutique, y entrer et ressortir trente secondes plus tard avec une bouteille d'eau. Rien ne bouge à l'intérieur du véhicule. Les autres voitures ont stoppé, les hommes de la brigade d'intervention ont avancé lentement, ils entourent le kidnappeur, en surveillant la rue. Quelques passants jettent un œil curieux sur ce rassemblement, s'arrêtent et un policier les écarte rapidement. Le policier remonte dans la voiture et tend la bouteille à l'homme : — Tiens ! Le geste est machinal, instinctif. L'homme modifie légèrement sa prise, le couteau s'écarte de l'enfant, d'abord de quelques centimètres, puis un peu plus. Tout va très vite, alors que les personnages semblent immobiles. L'homme retire le couteau, il va tendre la main soit pour saisir la bouteille, soit pour menacer le policier d'arrêter son geste, de poser la bouteille ailleurs, de ne pas la lui tendre avec autant d'ostentation... Ils bondissent tous en même temps. Cette demi-seconde d'inattention, de relâchement, ils la guettaient, autour de la voiture. Un homme attrape le poignet, immobilise le couteau, un autre saisit l'homme à la tête, le tire à l'extérieur de la voiture, un troisième immobilise les jambes, un autre le bras qui tient l'enfant, un autre le désarme, et un dernier dégage le minuscule paquet, d'un geste si rapide et si précis que le kidnappeur n'a même pas le temps de hurler. Cette demi-seconde de relâchement était le seul espoir des forces d'intervention pour éviter la dangereuse traversée de la ville, l'aéroport, et la suite prévisible. Le fou, privé de l'objet de sa folie, s'effondre en larmes. L'enfant est vivant. Maintenant l'ambulance file avec son précieux fardeau vers une autre maternité, une autre couveuse. La mère peut enfin éclater en sanglots libérateurs, elle peut poser toutes les questions du monde, elle a toutes les réponses. Il est midi et c'est fini, le bébé n'a rien, il ne souffrira pas de l'équipée sauvage, il était temps. On réchauffe ce petit bout de fille, on l'hydrate, on la nourrit, elle va dormir du sommeil des justes et des innocents, à l'abri de la furie du monde extérieur, des microbes,du froid, et de son père. — Je l'aime ! Sa mère n'aurait pas voulu me la donner, elle m'aurait empêché de la voir, de l'élever, j'ai le droit d'avoir ma fille à moi... Je l'aime ! Non, monsieur le fou d'amour. Pas comme ça. Et probablement plus jamais. Même si un prématuré de sept mois et demi et dix jours n'a guère de chances de se rappeler sa première sortie dans le monde extérieur, les adultes, eux, s'en souviendront longtemps. Et vous l'avez perdue. D'ailleurs, qui sait si le tout-petit ne comprend pas et ne se souvient pas de la souffrance ? Savez-vous qu'il suffit de faire une grimace pour qu'il grimace ? De geindre pour qu'il ait peur ? De pleurer pour qu'il pleure ? De hurler pour qu'il hurle ? Et de sourire pour qu'il vous rende votre sourire. Le bébé est une personne. Qu'on se le dise.