Situation - Le Liban est au bord de la crise face à l'afflux de réfugiés syriens, a déclaré lundi le président Michel Aoun. «Le Liban ne peut plus attendre et supporter la souffrance des réfugiés syriens, car cette question pose à présent une menace existentielle», a-t-il déclaré dans un communiqué. «Il faut trouver une solution politique en Syrie, mais la solution est encore hors d'atteinte», a-t-il déploré. Le communiqué a été publié à la suite de la rencontre entre M. Aoun et une délégation du Parlement européen chargée des relations avec les pays du Machrek (Egypte, Jordanie, Syrie et Liban). La chef de la délégation, Marisa Matias, a remercié M. Aoun pour son accueil et lui a remis un message de la part du président du Parlement européen Antonio Tajani l'invitant à s'exprimer devant le Parlement à Strasbourg. Le Liban a lancé samedi un appel à la communauté internationale pour lui fournir une aide financière supplémentaire pour l'aider à accueillir les 1,5 million de réfugiés syriens qui vivent sur son territoire. «Le Liban a besoin de l'aide de ses amis et de la communauté internationale pour s'occuper des réfugiés», a affirmé le Premier ministre libanais Saâd Hariri à l'issue d'une rencontre avec le président chypriote Nicos Anastasiades à Nicosie. M. Hariri a ajouté qu'il avait demandé à Chypre, membre de l'Union européenne (UE), de négocier avec l'Union pour qu'elle augmente l'aide financière accordée aux réfugiés dans son pays. «Nous accueillons un million et demi de réfugiés syriens et nous avons l'obligation humanitaire et morale de les aider», a-t-il souligné devant la presse. Le Liban est l'un des pays en compagnie de la Turquie et de la Jordanie qui accueillent un grand nombre de réfugiés syriens qui ont fui les violences dans leur pays. Plus de 1,8 million de Syriens ont trouvé refuge au Liban, pays frontalier. Ils vivent en majorité dans des camps informels. Cet afflux de réfugiés fragilise les capacités locales, les infrastructures et les conditions de vie des populations locales. Depuis 2014, le pays a également vu arriver des réfugiés irakiens fuyant les persécutions dans leur pays. Plus d'une personne sur quatre au Liban est un réfugié Syrien, ce qui crée des frictions entre Libanais et Syriens.En effet, de nombreux Libanais expriment leur exaspération face aux réfugiés syriens. Débuté en 2011, aux premiers mois de la révolte syrienne qui a basculé dans la guerre, l'exil vers le Liban s'est ensuite intensifié. La lassitude du pays d'accueil à l'égard des nouveaux venus est allée crescendo, au fur et à mesure que leur présence se prolongeait. Dalal, une jeune femme de Beyrouth, qui « soutenait la révolution syrienne », juge aujourd'hui que « c'en est trop ». « Aucune infrastructure ne fonctionne au Liban. Les réfugiés sont un poids supplémentaire, dit-elle. Je comprends leur misère, mais je n'arrive plus à me sentir solidaire.» Des médias, des ministres ou des députés donnent aussi dans la surenchère, en tenant des propos alarmistes ou racistes sur les réfugiés.«Des gens continuent de témoigner de l'empathie. Mais il y a une fatigue générale. C'est compréhensible, le Liban est un petit pays.» R. I. / Agences l «Ces gens-là (les réfugiés syriens) ne vivent pas comme nous. Ils croient qu'au Liban ils ont atteint le monde moderne. Cela va leur prendre du temps pour comprendre le monde moderne», explique Manuel, un jeune bénévole de l'ONG Arc-en-Ciel, issue du mouvement scout libanais. Manuel visite les familles syriennes pour évaluer et répondre à leurs besoins. «On ne voit pas le bout de cette crise. C'est un poids supplémentaire sur notre pays en termes d'eau, de routes, d'électricité, d'infrastructures scolaires.» Le fondateur d'Amel, le docteur Kamel Mohanna, résume la situation: «Des enfants syriens sont éloignés de l'enseignement depuis plusieurs années. C'est une bombe à retardement, des candidats à l'enrôlement dans Daech. Il faut aider le Liban qui aide la Syrie.» Le ministre du travail libanais avait exposé un plan de retour «dans des zones relativement sécurisées en Syri» de plus d'un million de Syriens sur deux ans. Le Premier ministre libanais est allé en 2016 à New York, à l'ONU, présenter ce plan en expliquant que «cet afflux soudain et colossal de réfugiés comporte des risques immenses pour notre stabilité, notre sécurité, notre économie et nos services publics». En attendant, le gouvernement libanais multiplie les réglementations pour limiter l'entrée de nouveaux réfugiés et leur installation.