Crise - Le chef du Hezbollah a accusé, vendredi, l'Arabie Saoudite de «détenir» le Premier ministre libanais démissionnaire et d'avoir demandé à Israël, l'ennemi juré du mouvement chiite, de frapper le Liban. M. Hariri «est détenu en Arabie Saoudite, on lui interdit jusqu'à ce moment de rentrer au Liban», a lancé vendredi le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lors d'une allocution télévisée. «Il est assigné à résidence», a-t-il assuré, réclamant à Riyad de le «libérer». Le chef du mouvement chiite libanais a une nouvelle fois affirmé que M. Hariri, qui a aussi la nationalité saoudienne, avait été «obligé» par les Saoudiens de présenter sa démission et de «lire un texte écrit par eux». En annonçant sa démission surprise dans un discours diffusé par la chaîne à capitaux saoudiens Al-Arabiya, M. Hariri avait dénoncé la «mainmise» de l'Iran et du Hezbollah, membre de son gouvernement, sur les affaires intérieures du Liban. L'annonce du Premier ministre fait craindre que le Liban, pays aux équilibres communautaires fragiles, ne plonge dans de nouvelles violences. Le pays a notamment été déchiré par une guerre civile entre 1975 et 1990 et par un conflit entre le Hezbollah et le voisin israélien en 2006. Dans son allocution, Hassan Nasrallah a, par ailleurs, nommément accusé Riyad d'avoir demandé à Israël d'effectuer une opération militaire contre le Liban. «Ce qu'il y a de plus dangereux, c'est inciter Israël à frapper le Liban», a-t-il dit. «Nous sommes aujourd'hui plus forts», a-t-il ajouté mettant Israël en garde «contre un mauvais calcul (stratégique)». Le Hezbollah, seul mouvement à ne pas avoir déposé les armes après la guerre civile libanaise, est accusé par ses détracteurs d'avoir la haute main sur les affaires de l'Etat libanais et son arsenal est l'une des principales pommes de discorde dans le pays. La démission choc de Saad Hariri, annoncée le 4 novembre à Riyad, a pris de court la classe politique au Liban où l'on s'interroge sur la liberté de mouvement du chef du gouvernement. Le président libanais, Michel Aoun, n'a toujours pas accepté la démission de M. Hariri, assurant qu'il attendait de le rencontrer pour en discuter avec lui. Mais le retour au Liban du Premier ministre se fait toujours attendre. Vendredi, M. Aoun a appelé, lors d'une rencontre avec le chargé d'affaires saoudien à Beyrouth, au retour de M. Hariri qui avait annoncé sa démission depuis Riyad. M. Hariri, un proche du pouvoir saoudien, n'est pas rentré au Liban depuis l'annonce de sa démission samedi dernier et des rumeurs circulent sur la limitation de sa liberté en Arabie Saoudite. «Le président Aoun a reçu le chargé d'affaires saoudien à Beyrouth, Walid Boukhari, et l'a informé que la manière dont s'est produite la démission de M. Hariri était inacceptable», a indiqué la présidence libanaise dans un communiqué. Le président de la République «a réclamé le retour du chef du gouvernement au Liban». M. Aoun, qui, depuis plusieurs jours, multiplie les contacts diplomatiques pour trouver une issue à la crise, a «exprimé son inquiétude concernant ce qui se dit à propos de la situation de M. Hariri» à Riyad, appelant à clarifier «les circonstances» de son séjour dans le royaume, lors d'une rencontre avec les ambassadeurs des pays membres du groupe de soutien au Liban. Parmi eux figuraient les ambassadeurs de France, des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et les représentants de l'ONU, de l'Union européenne et de la Ligue arabe. R. I. / Agences l Le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a mis en garde, vendredi, contre toute utilisation du Liban «comme théâtre de conflits par procuration». Car l'affaire a très rapidement été perçue comme un nouveau bras de fer entre l'Arabie Saoudite sunnite, important soutien de M. Hariri, et l'Iran chiite, grand allié du Hezbollah. Les deux poids lourds du Moyen-Orient s'affrontent déjà sur plusieurs dossiers régionaux, notamment les guerres au Yémen et en Syrie. Des chancelleries occidentales ont lancé des appels au calme, craignant que la situation ne dégénère au Liban. Pour Paris, «la situation libanaise est le sujet le plus préoccupant du moment», a souligné le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. «On pense que (Saad Hariri) est libre de ses mouvements», a-t-il ajouté. Son homologue américain Rex Tillerson a affirmé n'avoir «aucune indication» selon laquelle M. Hariri serait retenu contre son gré par Riyad. De son côté, le chef de l'ONU, Antonio Guterres, a assuré multiplier les «contacts» pour éviter une «escalade aux conséquences tragiques». Le ministre libanais de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, a par ailleurs annoncé vendredi qu'un ressortissant saoudien avait été enlevé au Liban, précisant qu'il s'agissait d'une «affaire personnelle, qui n'a aucun lien, ni de près ni de loin, avec la politique». La veille, l'Arabie Saoudite avait appelé ses ressortissants à quitter le Liban «le plus vite possible» et à ne pas s'y rendre.