Cette soirée-là avait quelque chose de poignant. 70 000 voix insatiables devant la moindre percée ingénieuse, le moindre geste qui allie superbement maestria et sobriété, la balle filant d?un pied à un autre sur un jardin nommé affectueusement le temple du 5-Juillet. Cette soirée-là, l?USMA et le Mouloudia, fierté du tout-Alger et deux clubs qui jouent, entre eux, plus pour égayer leurs milliers de fans que pour les trois insignifiantes unités à comptabiliser au compteur, s?étaient parés de leur plus beaux atours pour s?exhiber en belles créatures devant 70 000 âmes venues s?entasser expressément dans les travées du stade, où les odeurs appétissantes du f?tour jaillissaient de tous les recoins. Monumental derby dans un monumental stade. Il manquait alors quelques petits détails. Il fallait avoir l?audace d?emprunter au ramadan une heure et demie pour que, dans la luminescence, la fête atteigne son paroxysme. Pour que le football, avare jusque-là en fortes sensations, soit parfumé d?odeurs ramadanesques, comme au bon vieux temps. Ces temps jadis où le pèlerinage en procession, direction 5-Juillet, était considéré comme un rituel sacré. Hier il fallait avoir beaucoup d?ingrédients pour agrémenter un f?tour copieux. En vrac sur la table : chorba, bourek, USMA, Mouloudia, une générosité dans l?effort, 70 000 copains, un 2-1, en attendant d?autres ramadans. - Mais hier le match devait se passer de la minute de trop. La minute fatale. Fatale à huit jeunes supporteurs, venus de leur paisible El-Hamadnia, wilaya de Médéa, assister au derby; mais incapables de se douter un seul instant que sur le chemin de l?allégresse se dressait un faux barrage. Hélas !