La civilisation musulmane atteint son apogée avec les Fatimides qui rayonnèrent pendant trois siècles (du Xe au XIIe siècles). De cette époque date la Kalaâ des Beni-Hammad. Erigée sur une pente que circonscrivent des ravins, elle est dominée par des hauteurs rocheuses qui lui servent d'observatoire et l'alimentent en eau. Aujourd'hui, le minaret de la mosquée se dresse au milieu de ruines où les fouilles ont dénombré trois palais. L'architecture de ces demeures s'inspire de l'Orient, de l'Irak et de la Perse. L'art hammadite est une branche de l'art fatimide. Moins raffiné que celui des Zaïrides, il atteste cependant d'un goût du luxe favorisé par l'abondance de ressources. La chute du royaume de Kairouan canalise vers la Kalaâ des Beni-Hammad le courant commercial et culturel qui aidera à l'épanouisement des Hammadites. Les Fatimides, dynastie de califes chiites descendant de Fatima, fille du Prophète Mohamed, règnent en Afrique du Nord de 910 à 969, puis en Egypte (de 969 à 1171). C?est une curieuse histoire que celle de ces monarques qui, portés au pouvoir par la propagande révolutionnaire des Karmates ismaïliens, consolident leur puissance par la plus intransigeante des dictatures, califienne ou vizirielle. Partis de Tunisie, ils font reconnaître leur autorité dans le Maghreb entier et la Sicile, s?installent définitivement sur le territoire égyptien, conquièrent la Syrie, reçoivent l?hommage de La Mecque et de Médine et vont jusqu?à Bagdad. Cent cinquante ans après, le dernier Fatimide était à peine obéi dans son propre palais. Durant ce temps, la Syrie devient un champ clos où les divers partis se livrent des luttes acharnées, surveillés par les Byzantins, qui parviennent un instant jusqu?à Baalbek et Tripoli, plus tard par les Croisés, et enfin par les Saldjukides qui gouvernent Damas. Sur le plan artistique, le règne des Fatimides fut une période brillante. L?originalité de leurs ?uvres tient essentiellement à l?emploi de représentations figurées. Le centre de la propagande des Fatimides se trouva d?abord en Syrie du Nord, à Salamiyya, d?où des missionnaires éloquents et persuasifs parcoururent presque toutes les régions de l?Islam. L?un d?eux, particulièrement actif, Abu Abd Allah al-Shii, prêcha en Afrique du Nord en s?appuyant sur une tribu berbère, les Kutama. Mais cette contrée était loin d?être pacifiée, et l?on trouvait toujours un groupe tribal prêt à organiser l?opposition contre le pouvoir établi. Ce fut le rôle des Zenata, soulevés par un agitateur surnommé l?«homme à l?âne». La révolte s?étendit de telle façon que le calife fatimide fut réduit à la possession du port de Mahdiyya. Il fallait donc émigrer pour réaliser une ambition de domination universelle. A la suite de quelques tentatives d?invasion infructueuses, les Fatimides s?emparèrent de l?Egypte en 969. En fait, leur autorité directe ne s?exerça guère au-delà du territoire égyptien ; les régions comprises entre Le Caire et Bagdad furent partagées en deux zones d?influence, dont les frontières variaient sans cesse. Bagdad était alors soumise aux pressions les plus diverses, et les Fatimides ne possédèrent jamais une armée assez puissante pour faire prévaloir leur politique. L?histoire de la Syrie est d?une extrême complexité : dans les villes, les troupes maghrébines des Fatimides se heurtent à la résistance des populations, et dans les campagnes, elles doivent se déplacer constamment de Damas à Alep, de Tyr à la Palestine. L?épidémie de rébellions est générale, mais anarchique et dépourvue de coordination. A la fin du XIe siècle, c?est l?irruption des Croisés, à l?égard desquels les maîtres chiites de l?Egypte eurent une attitude ambiguë. (à suivre...)