Contre nature Il est parfois des situations qui ne trouvent aucune explication rationnelle sauf, peut-être, dans les dédales sombres et obscurs de la politique. La Libye n'est ni l'Irak ni l'Iran. Elle n'a jamais eu les moyens logistiques et humains de se lancer dans un programme d'armement aussi exigeant. Comment aurait-elle pu, en si peu de temps et en dépit de l'embargo onusien qui lui a été imposé entre 1992 et 1999, se lancer dans une aventure scientifique qui dépasse, et de loin, ses capacités ? Interrogé à ce sujet, en septembre dernier, par le journal en ligne www.proche-orient.com, Yiftah Shapir, ancien officier de l'armée de l'air israélienne, expert en prolifération d'armements de destruction massive au Moyen-Orient et chercheur au centre Jaffa pour les études stratégiques de l'Université de Tel-Aviv, a émis des doutes sur les capacités libyennes dans ce domaine. «On sait que, déjà, au milieu des années quatre-vingt, El-Gueddafi a voulu se doter de l'arme nucléaire. Il avait proposé 5 millions de dollars en liquide au capitaine d'un sous-marin nucléaire soviétique en échange du submersible et d?armes? une offre que le capitaine avait déclinée. De même, au début des années soixante-dix, les Russes avaient construit en Libye un réacteur de recherche, soupçonné de servir à développer des armes nucléaires». Mais cela n'a jamais été confirmé, et ce réacteur ne fonctionne plus depuis longtemps. «La Libye possède des missiles, c'est certain, mais elle est très en retard dans le domaine du nucléaire, très loin derrière l'Iran et l'Irak», a notamment déclaré l'expert israélien. La Libye représente-t-elle une menace pour Israël ? Réponse de Yiftah Shapir, que l'on ne peut soupçonner de sympathies pro-libyennes : «La menace n'est pas nulle, mais elle est minime. Les armes de la Libye ne peuvent atteindre Israël, et la distance joue ici un rôle important. La Libye possède des armes chimiques, mais ses têtes de missiles ne sont pas suffisamment sophistiquées.» Quel est donc le but de la campagne médiatique sur les armes de destruction massive libyennes ? Le colonel El- Gueddafi serait-il, dans l'agenda secret du Pentagone, la prochaine cible de Washington après Saddam Hussein ? On peut sérieusement le craindre.