L'affaire Iouchtchenko prendra place dans la longue histoire du poison comme arme de conquête du pouvoir ou de vengeance. C?est qu?on a eu recours aux arts noirs de l'empoisonnement en tous lieux et en tous temps. Et la course à ce type d'armes de destruction plus ou moins sélective fait rage. Le crime de Kiev, s'il est probable, n'est pas encore éclairci. Le mal de Iouchtchenko est bizarre, la dioxine un poison improbable. D'autres substances ont peut-être été utilisées. Le crime profite pour l'heure à la victime : vivant et martyr, Iouchtchenko a encore plus de chances de devenir le prochain président ukrainien. Quant au coupable, il reste à le démasquer. La mort, ou le forfait, de l'opposant n°1 aurait arrangé la mafia au pouvoir. Les «bandits» sont visés par la Révolution orange, d'abord pour les crimes non élucidés, comme celui du journaliste Gongadzé, que le président Koutchma est soupçonné d'avoir commandité. Ensuite pour le pillage, sous le couvert de privatisations, des grandes entreprises par les oligarques que le même Koutchma a protégés, parmi lesquels des membres de sa famille. Iouchtchenko a raison d'exiger une enquête sérieuse sur son cas. Mais la raison d'Etat risque de le pousser, s'il est élu, à enterrer cette moderne affaire des poisons.