Résumé de la 1re partie Fernand Ranin et sa famille habitent en Lorraine. Un soir de 1942 il est arrêté. Il est accusé d?avoir donné sa voiture à des terroristes belges. Porter plainte, en juin 1940 ! S'il osait, Fernand Ranin demanderait à l'AIlemand s'il rêve ou s'il plaisante ! Mais un agent de la Gestapo ne plaisante pas du tout, en général, et celui-ci, en particulier, est à ce point persuadé que Fernand Ranin est un résistant qu'il le fait enfermer et torturer. Que peut faire cet homme, sinon s'obstiner dans la vérité ? Même sous les tortures et les souffrances, et prisonnier des griffes de la Gestapo. ll fera donc trois ans de déportation. Car il est bel et bien déporté, encore heureux d'être déporté vivant ; et il ne lui vient pas une seule fois à l'esprit de dire : «Je suis là pour rien, parce qu'on m'a volé ma Rosengart !» Car, de toute façon, tout le monde est là pour rien. Pour moins que rien, qu'une Rosengart même. En septembre 1945, un homme qui tient à peine debout, qui pèse 35 kilos pour 1,72 mètre, est ramené chez lui. Fernand Ranin fait partie des miraculés, des «revenants» des camps de concentration, et sa femme n'en croit pas ses yeux, son mari est un fantôme et ses trois enfants le reconnaissent d'autant moins qu'eux ont grandi et oublié. Ce soir-là, une fois de plus, ils ont du mal à s'endormir. Et puis la vie reprend. Deux ans se passent Fernand Ranin ne pense même plus à la Rosengart de 1939. Ce jour-là, il trouve dans sa boîte aux lettres, un matin de 1947, une contravention, une contravention pour stationnement interdit à Bruxelles. L'infraction a été constatée le 23 avril 1947 et le véhicule immatriculé ME6854, c'était bien le numéro de sa Rosengart, c'est totalement délirant. Immédiatement, Fernand Ranin fonce à Bruxelles et demande au commissariat : «D'abord, où est-elle cette voiture ?» Ce à quoi les agents belges répondent placidement : «Comment ça, où elle est ? Vous voulez dire qu'on vous l'a volée » Fernand Ranin prend sa respiration, pour éviter de s'énerver, et répond : «Oui, on me l'a volée! ll y a huit ans, en 1939. J'avais seulement eu le temps de lui faire faire le tour du pâté de maisons ! Ensuite, pendant que j'étais prisonnier, des résistants belges ont, paraît-il, utilisé ma voiture qu'ils avaient récupérée je ne sais où, je ne sais comment ! Notez que suis fier que ma voiture. ait fait de la résistance. Même sans me demander mon avis, mais en attendant, j'ai bel et bien fait trois ans de déportation, à cause de cette voiture que je n'ai jamais vue depuis le 1er septembre 1939. Je ne m'en glorifie pas, je ne m'en plains pas, vous pensez bien avec les horreurs que j'ai vues. Mais quant à payer votre P.-V., excusez-moi, bonsoir ! Commencez par me la retrouver, cette voiture !» Mais le brave agent belge lui répond encore un peu plus placidement : «Pourquoi voulez-vous qu'on la cherche, votre voiture ? Vous n'avez jamais porté plainte pour voI !» Alors là, Fernand Ranin se fâche tout rouge. Il a déjà entendu ça quelque part ! Et il se fâche si rouge et si bien que l'on cherche enfin QUI peut avoir récupéré sa voiture ! Et l'on découvre, il faut l'avoir vu pour le croire, qu'il s'agit de l'ARMEE BELGE ! La Rosengart avait été «empruntée» par un homme qui s'en était bien servi pour faire de la résistance, et qui avait été déporté. Puis un officier aIlemand s'était approprié la voiture jusqu'à la Libération. Après quoi, un officier de l'armée belge l'avait «réquisitionnée», et, depuis deux ans, la conduisait, sans trop se tracasser, il faut bien le dire, pour retrouver son ancien propriétaire. ll faIlait une fin à cette histoire belge, la voici : L'armée belge a rendu sa Rosengart à Fernand Ranin avec cinq pneus neufs, c'est le règlement. Mais avec 60 000 kilomètres au compteur. Aussi, très honnêtement, car c'est toujours le règlement, elle l'a indemnisé de 87 francs belges par jour de réquisition, depuis la Libération. Soit une somme globale de 84 000 francs belges. Autrement dit, l'armée belge a remboursé sa voiture à Fernand Ranin, à peu de francs belges près. Ne nous demandons pas si chez nous, c'eût été... le même règlement ! Fernand Ranin est donc parti en vacances au Mont-Saint-Michel en septembre 1948, avec sa Rosengart de 1939, sa femme et ses trois enfants. Et du coup ils l'ont gardée. En 1979, l'aîné des enfants Ranin l'entretient toujours. De temps en temps, le dimanche il la fait démarrer (à la manivelle, bien sûr) et fait le tour du pâté de maisons avec ses parents.