Loundja bent el-ghoul, Lagraâ Boukricha, Thafunast Igujilen, des titres d?histoires fantastiques dont regorge la littérature orale algérienne et dont on parle peu ou pas assez. Récits d?antan, vieilles histoires, le conte algérien est, à l?instar des autres contes du monde, un legs ancestral précieux. Précieux, car il regorge d?informations d?approches et d?histoire d?une société à un moment donné. En ce sens qu?il peut être perçu comme une fenêtre ouverte sur le passé à partir de laquelle ancêtres et descendants peuvent communiquer continuellement dans un espace hors temps. Un lieu qui serait certainement contesté par le plus cartésien des mortels, si le conte ne le justifiait pas par son côté fantastique. En effet, puisque ce dernier relate des récits imaginaires où l?acteur principal, tantôt héros, affrontera avec bravoure des créatures maléfiques ou des forces de la nature normalement insurmontables tels la tourmente des vents ou le déferlement des pluies et dont il sortira toujours vainqueur et néanmoins modeste. A l?inverse, l?acteur principal sera vaincu dans l?une de ces situations, victime de sa naïveté. Et au-delà de la bonne construction du récit et des pages colorées qu?il confère à son texte, la mission du conte ne se limitera pas à ces péripéties. Non seulement la moralité de l?histoire est révélée à la fin du récit, mais aussi les indices descriptifs de la vie d?antan tels que le vêtement, la nourriture ou encore les coutumes, y sont glissés subtilement par les aïeux. Ces derniers tentaient, à travers ces agissements délibérés, de faire connaître le degré d?évolution de la société de l?époque et d?indiquer par la même les paramètres constants de la civilisation de cette région. Ainsi par exemple, dans le conte intitulé Le chêne de l?ogre de Taos Amrouche, seront glissés deux éléments distincts, le premier d?ordre culinaire en l'occurrence le couscous, qui est un plat strictement maghrébin, situe le conte dans l?espace et met en évidence la culture vivrière de l?époque notamment les céréales. Le deuxième, d?ordre punitif, est le feu dans lequel le méchant ogre a été jeté. De cette façon, on pourrait penser que le feu dans la société maghrébine est l?élément purificateur par opposition aux Scandinaves qui, à travers leurs sagas, révèlent le leur qui est l?eau. D?autres éléments seront également révélés dans d?autres contes algériens. Ceux-ci, aux couleurs chamarrées des différentes régions et organisations sociales qui structurent ces lieux, seront à l?Algérie, ce que le miroir est à l?image.