L?une des caractéristiques du vocabulaire algérien des couleurs est d?être fortement connoté, c?est-à-dire d?avoir des significations secondes. En fait, comme dans les autres langues, la couleur n?est envisagée qu?à travers des objets, des référents qui vont déterminer en grande partie la signification des mots. On peut définir «techniquement» les couleurs, en spécifiant pour chacune d?elles, la longueur d?onde de ses radiations, mais ce genre de définition ne se retrouve que chez les spécialistes : physiciens, industriels des colorants et des peintures?Dans le langage quotidien, chaque couleur est affectée de valeurs précises : beauté, laideur, joie, tristesse, pureté, impureté, grandeur, faiblesse? Si certaines valeurs sont individuelles, la plupart sont collectives et font partie de la société. Elles constituent une sorte de système de sens second qui s?ajoute au sens premier connu des locuteurs qui le reçoivent de la langue. En Algérie, comme dans d?autres sociétés, il y a ainsi un langage des couleurs, fait de sens seconds, ou selon la dénomination courante, de symboles, utilisés dans la langue quotidienne et les pratiques sociales. Si certains symboles semblent propres aux Algériens (et aux Maghrébins en général), d?autres se retrouvent ailleurs, et constituent donc des universaux : blanc=pureté, noir=malheur, rouge=force, vitalité, etc. Le symbolisme des couleurs maghrébin doit remonter à la préhistoire : les peintures rupestres comme les poteries berbères utilisent non seulement les mêmes symboles, mais aussi les mêmes couleurs (principalement le jaune des ocres et le noir des oxydes).