C'est à travers la perception de l?arc-en- ciel, qui représente toute une gamme de couleurs et de nuances, que l'on peut se faire une idée du vocabulaire des couleurs d'une langue. Le phénomène est le même pour tout le monde, puisqu'il s'agit d'un phénomène physique, mais la façon dont les langues le décomposent est différente. Une langue peut ne distinguer que deux couleurs principales, une autre trois, une autre quatre ou cinq. En fait, au plan physique, il n'y a pas deux, trois ou sept couleurs mais un continuum, c'est-à-dire un ensemble d'éléments homogènes de sorte que l'on peut passer de l'un à l'autre de façon continue. Ce sont les langues qui découpent les couleurs et qui les nomment. Les unes sont dites primaires, parce qu'elles ne résultent d'aucun mélange de couleurs : c'est ce que l?arabe algérien, par exemple, traduit par des mots comme hmar, zraq et sfar, le berbère par azeggagh, azegzaw et awragh, le français par rouge, bleu et vert. D'autres couleurs sont dites binaires, elles résultent du mélange de deux ou trois couleurs : c'est par exemple le çini de l'arabe et du berbère, l'orangé du français. Mais comme les découpages varient d'une langue à une autre, les langues ne distinguent pas toujours certaines couleurs, qui sont ainsi confondues dans une seule. Ainsi, en berbère, bleu et vert sont confondus, le mot azegzaw les désignant toutes les deux ; il existe, dans plusieurs dialectes, une dénomination pour vert : adal, mais ce mot est un terme secondaire, puisqu'il désigne, au propre, un végétal, la mousse qui pousse au bord des rivières et des fontaines. Cette confusion du vert et du bleu se retrouve dans certains dialectes arabes du Maghreb.