Connaissances périmées Le système éducatif algérien mérite ? et de loin ? de figurer au top du guiness des records insolites. En effet, notre pays est connu pour la très longue durée de vie de ses programmes d?enseignement. Au point que des générations entières d?élèves utilisent le même livre scolaire jauni par les ans. Il n?est pas rare de trouver, dans le même foyer, une grand-mère et une mère remonter, ensemble, l?horloge du temps jusqu?à leur enfance, en feuilletant un des livres de leur petite-fille. Cette longévité ? certains programmes actuels remontent à 1981 ? remet en cause le principe universel de l?évaluation permanente de tout programme, et donc du manuel qui va avec. À une époque où le boom technologique et scientifique génère un renouvellement rapide des connaissances, l?école est tenue d?adapter ses instruments et son action. Il y va de sa crédibilité. Que dire d?un manuel datant d?une quinzaine d?années et qui véhicule des notions dépassées ou contredites par la réalité ? Cela est malheureusement monnaie courante chez nous. Quand on sait que le stock des connaissances scientifiques se renouvelle et s?enrichit tous les trois ans ? et les spécialistes parlent d?une durée moindre à moyenne échéance ? il y a lieu de signaler les dangers d?une «congélation» des programmes scolaires. Ce sont surtout les matières scientifiques et techniques ? les maths, la physique, la chimie, les sciences naturelles ? qui sont facilement exposées à cette dérive. Les matières du domaine des sciences humaines et littéraires ne sont pas indemnes, même si, à leur niveau, le rythme du changement peut être considéré de moindre intensité. Ce retard pris par l?Algérie ne relève plus du secret d?État. Les officiels reconnaissent la nécessité de rénover et de coller au mouvement d?ensemble de la communauté internationale. C?est d?ailleurs cette prise de conscience ? tardive ? ? qui est à l?origine de la mise en place de la commission nationale des programmes (voir encadré) en mai 1998. La nouveauté mondiale réside dans l?orientation et la nature (les contenus) à donner aux programmes scolaires. Finie l?obsession d?un maximum de connaissances à transmettre et que l?élève doit stocker dans sa mémoire. Cette approche était valable du temps où le rythme des découvertes scientifiques était lent et où la «durée de vie» des connaissances élaborées traversait paisiblement des générations. Ce qui n?est plus le cas avec la frénésie et la vitesse exponentielle qui accompagnent le boom technologique. Le savoir engrangé par l?enfant d?aujourd?hui diffère de celui acquis par son père, et la tendance va s?accentuant. Dorénavant, les spécialistes en construction des programmes d?enseignement privilégient le développement chez l?enfant des compétences qui l?aident à mobiliser efficacement ses propres ressources et à agir. «Apprendre à apprendre», «aller à la conquête du savoir», sont autant de mots d?ordre pédagogique qui reflètent l?orientation nouvelle. L?élève devient plus actif ; il apprend peu, mais mieux (et bien). Grâce aux compétences sollicitées et éduquées, il ouvre ses horizons pour aborder des connaissances non insérées dans le programme et le manuel. Son intelligence et son autonomie pourront l?amener, grâce à l?action bénéfique des méthodes actives, à élargir son bagage intellectuel. Internet, la parabole et les nouvelles technologies constituent l?atout majeur au service de cette nouvelle approche dans les programmes scolaires. Bien entendu, la logique d?apprentissage, en opposition avec la logique d?enseignement, qui a prévalu jusque-là, implique une adaptation du profil des enseignants. Revoir sa pratique de la classe, se détacher de la vision traditionnelle d?un programme à «boucler coûte que coûte» : ce sont-là des comportements exigés de chaque enseignant. Dans cet ordre d?idées, une formation leur est nécessaire, elle leur permettra de maîtriser les tenants et les aboutissants des nouveaux programmes. Qui dit formation dit moyens, temps et adhésion volontaire. Les principaux concernés ? les enseignants ? ont-ils bénéficié de tous les égards pour pouvoir assurer aux élèves ce dont ils rêvent chaque jour : un enseignement de qualité ? La question reste posée.