Renfort n Pour s?occuper de ses enfants en bas âge, la jeune femme a fait venir sa mère. Les événements, qui se sont déroulés, il y a maintenant plus de trois décennies, dans la ville d?Oran, ont tellement marqué les mémoires que certaines personnes ne peuvent pas s?en souvenir sans frémir : une vieille femme et trois enfants, sauvagement égorgés, le troisième, malgré cela, a survécu. Pour garder l?anonymat des protagonistes de l?histoire, nous avons modifié leurs noms ainsi que ceux des lieux où s?est déroulé le drame. Mais l?essentiel de l?histoire est respecté. Disons d?abord que la famille, dont une grande partie des membres va être décimée, est paisible. Le père, décédé à la suite d?une longue et pénible maladie, a laissé sa femme avec quatre enfants, des garçons en bas âge. Le malheureux avait une petite entreprise que la femme avait décidé, après la mort de son époux, de prendre en main. Il faut dire que c?était une femme courageuse qui n?avait pas froid aux yeux et que la responsabilité n?effrayait pas. Un seul problème : comment s?occuper des enfants pendant qu?elle est au travail ? Les premiers temps, elle les confiait aux voisines, mais elle ne pouvait le faire tout le temps. Les voisines avaient leurs propres enfants et garder ceux des autres, surtout s?ils sont quatre, n?est pas aisé ! La jeune femme ? appelons-la Zohra ? avait pensé à les mettre en nourrice ou à faire venir une nourrice à la maison, mais elle a fini par opter pour une autre solution : faire venir sa vieille mère. La vieille femme, en dépit de son âge, avait encore le pied alerte et elle pouvait, non seulement s?occuper des enfants, mais aussi tenir le ménage, faire la cuisine. ? Tu seras bien, lui dit Zohra. Et puis, tu ne seras pas obligée de rester tout le temps à la maison, tu pourras sortir faire les commissions, promener les enfants ! La vieille accepte la proposition sans problème : en fait, il lui plaît de venir dans la grande ville et elle adore ses petits-enfants. L?affaire est donc conclue et le problème de la garde des enfants est résolu. Zohra peut maintenant aller au travail, tranquille. Sa mère ? appelons-la Bakhta ? s?occupe merveilleusement des petits. Elle fait leur toilette, elle leur prépare à manger et, quand ils jouent avec les autres enfants de la cité, elle les surveille du balcon. A la cité El-Amal ? la cité de l?Espoir ? tout le monde se connaît. Il y a bien des mauvais garnements, comme le fils des voisins de palier, mais en principe, il ne s?en prend pas aux très jeunes enfants. Ses victimes sont des grands que, dit-on, il rackette. «Ne jouez pas avec les grands, recommande toujours Zohra à ses enfants, n?allez pas avec les inconnus !» La ville a connu, ces dernières années, des enlèvements d?enfants. Mais l?affaire, il est vrai, grossie par la rumeur, n?a pas connu de suite. Zohra a quand même appris à se méfier. Elle sait que depuis la mort de son mari, elle est seule responsable de ses enfants. Elle ne voudrait pas qu?il leur arrive quelque chose de fâcheux. Hélas, elle est loin de se douter que le malheur ne va pas tarder à frapper à sa porte. Un malheur terrible qui la marquera à jamais. (à suivre...)