H?mimed était en verve aujourd?hui. Lui si silencieux d?habitude quand il était occupé à faire sa partie de diminous, frétillait littéralement d?ardeur et n?arrêtait pas de revenir sur l?affaire des journalistes qu?on passait à la moulinette pour voir s?il pouvait enfin en sortir quelque chose de bon, le jus de stylo venimeux mis à part : «Cette fois-ci, dit-il, le pot de terre n?est pas celui que l?on croit et je crois bien qu?il va y avoir un pot de fer trop sûr de lui qui va prendre un camion dans la gueule.» H?mimed ne put se retenir et asséna son triss-doss sur le tapis. Il avait fermé la partie. Dépité d?avoir perdu et juste pour le faire rager, Momoh, son adversaire de jeu, lui répliqua que cette espèce d?écrivains publics de journaux à emballer le poisson n?allait tout de même pas vaincre la doula des Zerhouni, Bouteflika et frères, ni celle des Hadjar, Belkhadem and Co. H?mimed tombe dans le piège de la provocation et part dans tous les sens, comme un tuyau d?arrosage à forte pression échappé des mains du jardinier. «La doula ya si Momoh, c?est celle dont le visage est dévoilé, qui agit au grand jour et dont les grands serviteurs n?ont ni de grandes poches à remplir absolument ni de fiers à bras à entretenir. La doula ya si Momoh, c?est le gendarme qui enquête sur les fausses domiciliations en centaines de millions de dollars, sur les banques à laver l?argent pourri et qui ont coûté au peuple des centaines de milliards de dinars, c?est la justice qui relaxe le petit délinquant qui a volé de quoi manger et qui condamne le grand initié qui a amassé de quoi nourrir tout un peuple d?affamés en se servant de pots de vin et en fraudant le fisc. La doula ya si Momoh, ce sont des urnes transparentes, des ministres intègres, des fenêtres sans barreaux, des administrations qui règlent les problèmes des citoyens au lieu de les brimer, des enseignants cultivés, des magistrats intègres, des policiers au seul service de la République, des biens de l?Etat inaliénables et des politiciens propres !». Et pour bien ponctuer cette dernière phrase, H?mimed abat son double-six en y mettant toute la force de son bras : «Politiciens propres ! Je te dis, ya si Momoh !»