Les pouvoirs publics semblent décidés à donner un coup de pied dans la fourmilière du marché informel. Seulement, il est incompréhensible que l'on veuille, par le seul usage de la force, réduire à néant un phénomène qui a eu tout le temps et toutes les facilités de s'enraciner. Une méthode dont les graves conséquences restent encore à venir. Longtemps admis, et même encouragés d'une façon ou d'une autre, par les pouvoirs publics, les marchés informels ont fini, à la faveur d'une tolérance bienveillante souvent intéressée, par prendre une ampleur démesurée très difficile à contrôler. Rongeant l'économie nationale comme un cancer, ces marchés sont aujourd'hui la cible de ces mêmes pouvoirs qui ne semblaient pas incommodés outre mesure par leur existence, il y a quelque temps encore. Le problème, c?est que l'on veut rapidement et brutalement «balayer» au bulldozer un édifice qui a eu tout le temps de s'implanter et de s'enraciner. Ce qui ne peut évidemment pas se faire sans casse. L'opération d'évacuation de ces marchés se déroule souvent dans un climat d'émeutes. Ainsi, au cours du ramadan, la ville d?Arzew s?est transformée en un véritable champ de bataille où plusieurs édifices publics ont été incendiés à la suite de la mort d?un jeune homme dans une cité de la ville où les forces de sécurité ont été dépêchées pour procéder à la destruction des «bicoques» qui faisaient vivre bien des familles. Un jeune ravi aux siens à la fleur de l?âge, des milliards de dinars de dégâts matériels, tel a été le résultat de cette opération qui aurait pu se dérouler dans le calme, si ses initiateurs avaient pris le soin d?entrer en contact avec les propriétaires des commerces informels en question pour leur expliquer que nul n?est au-dessus de la loi et les encourager à travailler dans la légalité en leur accordant, pourquoi pas, aides et facilités. Malheureusement, cela n?a pas été le cas. Et la leçon n?a pas été retenue. Hier encore, une autre ville du pays, Constantine, a vécu des scènes de violence après que les forces de sécurité eurent investi le marché informel Daksi-Abdesselam pour déloger les commerçants installés depuis des années. Fort heureusement, seuls des dégâts matériels ont été enregistrés. Mais le mal a été tout de même fait : des centaines de jeunes se retrouvent, du jour au lendemain, sans ressources. Une frustration de trop pour eux et leur famille, doit-on dire. Lutter contre le commerce informel, c?est bien, mais le minimum n'est-il pas de le faire dans le cadre d'une politique réfléchie ? Les dégâts, qui se chiffrent en milliards de dinars, qui ont été enregistrés lors des différentes opérations d?évacuation des marchés informels, auraient pu être évités par la mise en place au préalable de marchés de substitution, par exemple. Cela aurait coûté nettement moins que ce qu?a coûté l?usage de la force publique, c?est sûr?