Enigme n 30 ans après sa mort, des chercheurs pensent avoir percé le mystère de l?écrivain. Il y a bien un mystère Agatha Christie. Pas celui de sa fausse disparition dans les années 1920, mais celui de son style. Comment a-t-elle pu, par son écriture, capter une telle audience et vendre 2 milliards de livres dans le monde ? Trente ans après sa mort, le 12 janvier 1976, des linguistes britanniques pensent avoir percé le secret : le style dépouillé et direct d'Agatha Christie est l'une des clefs de sa réussite. Le docteur Roland Kapferer, qui a dirigé le projet mené par les universités de Warwick, Birmingham et Londres, affirme que c'est ce style qui rend les livres d'Agatha Christie «littéralement impossibles à poser (unputdownable)», dit-il. «Il est extraordinaire de voir à quel point ses livres sont populaires et hors du temps», affirme-t-il. Dès la parution de ses premiers romans, dans les années 1920, les tirages ont battu des records. Au total, elle a publié 80 romans et nouvelles et 19 pièces de théâtre, traduits dans plus de 70 langues. A tel point qu'elle est entrée dans le Guinness des records comme l'auteur de fiction ayant vendu le plus de livres. L'étude du docteur Kapferer montre que ce style a contribué à son succès. Ainsi, à mesure que l'on se dirige vers le dénouement de l'intrigue, la structure des phrases des romans d'Agatha Christie devient moins complexe et elles sont plus faciles à lire, de sorte à augmenter la stimulation et l'excitation du lecteur. Il relève également la présence d'un tronc commun composé de mots de la langue quotidienne, à l'exclusion des mots sophistiqués, qui forcent le lecteur à se concentrer sur l'intrigue et les indices du crime. Agatha Christie a aussi fréquemment recours au tiret, qui crée un rythme de narration plus rapide, propre à plaire au lecteur, et les structures de ses phrases sont similaires à celles employées par les hypnothérapeutes, comme si son écriture hypnothisait ses lecteurs. «Ces découvertes initiales indiquent qu'il y a une formule mathématique (derrière) son succès phénoménal», estime Roland Kapferer. «Notre prochaine étape est de chercher à reproduire ces expériences avec d'autres grands auteurs afin de découvrir si leur écriture provoque une activité neurologique similaire chez le lecteur», indique-t-il. Le secret pourrait bien ne jamais être entièrement percé, reconnaît-il. «Savoir si Agatha Christie, elle-même, était consciente que ses mots contenaient des déclencheurs neurologiques si puissants est un autre débat qui pourrait bien demeurer un mystère persistant», souligne-t-il.