"Représentation" Sardaigne, Abruzzes, Piémont, Lombardie, Sicile, Toscane, Calabre, Pouilles, des régions italiennes riches en histoire et racontées à travers leurs tapis et tissus. Le musée du Bardo abrite depuis le 2 juillet dernier, une exposition d?Outre-mer intitulée «Tapis et tissus des régions d?Italie du XVIIe au XXe siècle» à l?initiative de l?ambassade de ce pays, cette représentation artistique dénote une originalité marquante. Originale, car chargée de caractère crypto-culturel, celle-ci met en exergue non seulement l?activité artistique en l?occurrence la créativité et l?idéal esthétique d?alors, mais aussi, le mode de vie et le quotidien de cette époque. En effet, regroupant une trentaine d?ouvrages artisanaux dont des tapis, des couvre-lits, des nappes, des lambrequins et des rubans brodés, ces articles faits et tissés à la main avec des matières et sur des substrats bien connus tels que la laine, le lin ou la soie, sont des témoins constants de la culture italienne. Par ailleurs, le mariage de ces matières nobles révèle comment l?homme a su s?acclimater à son milieu et non sans intégrer le culte du beau à la pensée chrétienne (religion dominante), l?un des aspects fondamentaux inhérents à la culture de la reconnaissance du début du XVIIe siècle, le néoplatonien en l?occurrence. Cependant, et au-delà de l?aspect informatif assigné à cette exposition, un autre fait saisit le visiteur, au fur et à mesure qu?il évolue au sein de cette galerie : dépasser la sensation d?un déjà-vu dans l?une des épopées historiques cinématographiques, une étrange sensation presque mystérieuse règne en ces lieux. Soubresaut d?un dernier affront ou ultime réconciliation entre les rois Jugurtha et Marius sur la terre numidienne ? Toujours est-il que le temps d?une visite à cette exposition et l?on est emporté vers une époque et un lieu lointains. Une étiquette placée à gauche de chaque ouvrage indique une région de l?Italie. Au total huit régions sont ainsi visitées et racontent leur histoire. La Sardaigne, île des dolmens et des tombes médiévales et haut lieu de résistance à l?envahisseur phénicien (VIIe avant J.-C.), carthaginois (VIIe av J.-C.) phocéen (VIe Av. J.-C.), romain, byzantin et sarrasins, les ouvrages exposés de nature et de format différents expriment la sobriété sans pour autant conférer un style dépouillé, dépourvu de fioritures et tissé dans ses tons à dominance rouge, bleue et beige. La tonalité et l?assortiment de ces couleurs attirent le regard sans l?agresser. Un tapis de laine datant du XIXe siècle, rappelle étrangement nos hanbels avec leurs bandes rouge et beige. On pourrait aisément l?imaginer étaler dans ces demeures d?antan. A quelques mètres de ce tapis, l?on peut admirer aussi un couvre-lit nuptial datant du début du XIXe siècle, travaillé sur du lin avec des motifs géométriques de couleur beige si joliment tissés sur fond noir, ce couvre-lit, ainsi étalé, pourrait évoquer une toile de Michel Ange. Un peu plus loin, c?est la région montagneuse des Abruzzes qui expose ses tapis. Avec des couleurs plus vives avec une dominance de rouge vermeil, de jaune et de bleu versatil, ces confections artisanales non pas qu?elles agressent le regard, mais narguent les plus fuyants. Plus loin c?est le Piémont qui étale sa nappe du XIXe siècle, travaillée avec du fil à coudre de lin si joliment tissée à l?aiguille. L??uvre ainsi exposée invite tacitement le visiteur à admirer cette région naguère touristique. En s?enfonçant un peu plus au sein de cette galerie, un immense tapis attire le regard. Originaire de la Lombardie agricole, ce grand tissu tissé en lignes bicolores servait à battre le blé noir après les moissons. A gauche est exposé un ruban brodé. D?origine sicilienne et brodé de soie sur un fond de lin, ce ruban ainsi étalé narre l?histoire de sa terre. Mère-patrie de Théocrite et île de Cères et de Venus, elle prétend, selon l?écrivain Roger Peyrefite dans son livre Du Vésuve à l?Etna, entre autres choses, que «a culture du blé avait été révélée aux hommes sur son territoire». Ainsi ce n?est pas un hasard si ses nappes sont un mélange de lainage et de lin afin de mieux garder le grain de blé. D?autres régions d?Italie sont également présentes à la galerie du musée, à l?image des méridionales Calabre et Pouilles ou encore la péninsulaire Toscane. Chacune de ses régions exhibe ses couvre-lits nuptiaux, des ?uvres élaborées avec dextérité et dont chacune recèle une histoire ancestrale murmurée entre ses pans.