InfoSoir : Comment définit-on l?espérance de vie ? Quelle différence avec la longévité ? l Nourdinne Dekkar : Espérance de vie ne veut pas dire longévité. Néanmoins les deux concepts sont étroitement liés et se complètent. Pour le premier, c?est un calcul mathématique dont il ressort en moyenne que plus d?Algériens arrivent à 73 ans. Pour ce qui est de la longévité, c?est vivre plus longtemps au-delà de cette moyenne. Toutefois, il est utile de souligner que le gain sur la longévité est moins important que celui sur l?espérance de vie. Les raisons sont essentiellement liées à la politique nationale de la santé. Les services de gériatries dans nos structures hospitalières sont quasi inexistants, alors que le schéma épidémiologique national a changé. Ce ne sont plus les maladies infectieuses qui tuent. Les Algériens meurent, désormais, des maladies non transmissibles à savoir le diabète, le cancer, les pneumonies... Les femmes vivent plus que les hommes. Avez-vous une explication ? l Cette réalité est constatée même chez les mort-nés. Je crois que c?est un phénomène qu?on peut attribuer à la nature qui met, souvent, plus de garçons que de filles au monde. C?est peut-être une manière de maintenir l?équilibre. Quels facteurs concourent à maintenir cette évolution ? l L?évolution de l?espérance de vie des Algériens est franche et constante depuis l?indépendance. Les principaux facteurs de ce progrès sont liés à la chute de la mortalité infantile notamment les enfants de moins de 5 ans. Le recul des maladies infectieuses, principale cause de la mort des enfants, comme cela fut le cas dans les années 1960 jusqu?aux années 1970 avec la diphtérie, la polio, la méningite et la typhoïde. La régression des maladies respiratoires aiguës (pneumonie), responsables jadis de la majeure partie du décès des adultes a, aussi, contribué à ce résultat. Ces maladies étant presque maîtrisées, on en a laissé émerger d?autres non transmissibles, mais dont la gravité n?est plus à démontrer, à l?image des maladies cardio-vasculaires, le diabète, le cancer et l?accidentologie.Nous pouvons citer, également, l?amélioration du niveau d?instruction, notamment, des femmes qui réagissent, d?une manière plus appropriée aux maladies de leurs enfants. Outre la progression du niveau de vie de la majorité des Algériens, en matière d?alimentation, d?accessibilité à l?eau courante et de vie dans des milieux moins salubres. Quels sont les avantages de la progression de l?espérance de vie dans une société ? Qu?en est-il pour l?Algérie ? l Il suffit de regarder les sociétés développées où l?espérance de vie a atteint les 80 ans pour comprendre qu?il s?agit avant tout d?un équilibre social. Il est vrai que plus on avance dans l?âge, plus on revient cher au système de solidarité national. Mais en contrepartie et contrairement au système féodal, la prise en charge sociale étant assurée, les citoyens sont plus productifs et assurent un meilleur développement de leur pays. L?Algérie a, en effet, beaucoup fait en cette matière, mais peut mieux faire. Et pour cela, elle doit changer de stratégie pouvant prendre en charge les nouvelles données de notre société. (*) Représentant de l?Organisation mondiale de la santé (OMS) en Algérie.