Résumé de la 3e partie n Cette longue période de quatre ans d'enquête et d'assises n'a pas permis de faire la lumière sur le crime. Des témoignages contradictoires donnent plusieurs versions des faits. La défense s'acharne à établir qu'il s'agit presque d'un débile profond et son comportement dans le box semble bien le confirmer. Il s'intéresse aux uniformes de ses gardes, réclame sa soupe à grands cris, demande à retourner dans sa cellule, où il est bien avec sa télé. Il déclare sans ambages que «tout ça l'emmerde», que s'il avait commis le crime il serait en prison depuis longtemps... Il fait le clown ? Il fait l'âne ? Il l'est ? Le procès impossible s'étale sur douze jours et il arrive qu'à certains moments, l'accusé se laisse aller à soupirer : «Allez-y... continuez...», comme si sa condamnation n'importait pas. En prison, il se croit dans un centre spécialisé, et ça il connaît, il a déjà fréquenté. Tout ce qu'il semble vouloir, c'est son lit, sa gamelle, sa télé. Il use la patience de tout le monde, il oblige la cour à répéter des questions auxquelles manifestement il ne comprend rien, même la deuxième fois. Et la défense souligne toujours le fait qu'il semble impossible à un être disposant d'un vocabulaire aussi réduit, d'une compréhension aussi faible, d'avoir réalisé les conséquences de ses aveux, d'avoir supporté lucidement une garde à vue, d'avoir relu et signé des procès-verbaux dont la formulation ne fait pas partie de son vocabulaire. Donc que ses aveux ne valent rien. Mais le sac bleu est à lui. Il a donné des détails sur l'enfant, sur le crime, il a dit l'avoir «coupée par plaisir». Il a parlé du «putter», il a dit : «Je les ai vues, mais j'ai pas volé les provisions dans la voiture.» Il a dit : «L'envie est venue…» Mais il a dit aussi : «J'ai vu les trois autres, mais moi j'étais pas là...» Trois heures et demie de réquisitoire. Un examen minutieux des aveux du «Clochard», seuls éléments à disséquer en l'absence de preuves matérielles. Pour l'avocat général, il n'existe aucun doute. L'accusé a donné des éléments qui ne pouvaient être connus que de lui seul et de la police, et ces éléments sont solides. D'autre part, les trois covoleurs ne l'ont accusé qu'après qu'il eut avoué lui-même et pas avant. Donc tous les doutes qui pourraient subsister à leur sujet, notamment le fait que «Crâne-d'obus» se soit débarrassé d'un rasoir volé, qu'il ait changé de pantalon après les faits, ne doivent pas faire nier l'évidence. Eux n'étaient pas couverts de sang, «le Clochard» a dit qu'il l'était. Et «le Clochard» a dessiné, au cours de sa garde à vue, le portrait de l'enfant, le sien, et des couteaux. Il a dit qu'il s'était servi d'un «putter», l'autopsie a confirmé qu'il s'agissait d'un cutter. Si le magistrat regrette, et le dit, ne pas pouvoir demander une peine plus importante pour ces trois-là (cinq ans maximum), il réclame la perpétuité pour «le Clochard», assortie d'une peine de sûreté de vingt ans. La défense réclame l'acquittement. Les jurés accorderont les circonstances atténuantes en le condamnant à vingt ans de réclusion criminelle, avec une peine incompressible des deux tiers. «Crâne-d'obus» et «Kenzo» sont condamnés au maximum : cinq ans, pour non-assistance à personne en danger. «Le Gros», qui n'a rien vu, à cinq ans dont trois avec sursis. Le rôle exact de chacun des comparses n'a jamais pu être déterminé au cours de ces deux procès difficiles. Le seul lien certain entre eux demeure la lâcheté. Ils auraient pu empêcher le drame. Même s'ils avaient peur du «Clochard», qu'ils décrivent parfois brave copain, parfois violent. Qu'ils aient vu ou non, qu'ils se soient enfuis ou non, ils ont laissé mourir dans des circonstances atroces une petite fille de trois ans. «Le Clochard» est incarcéré dans une prison adaptée à son état mental. Lorsqu'il était enfant, il a fait une chute de plusieurs étages, il n'a pas parIé avant l'âge de sept ans. C'est un adulte d'un âge mental à peu près équivalent, mais pas fou. Il l'a répété souvent au cours de ces deux procès, qu'il n'était pas fou... Tout en hurlant trop fort un besoin d'aller aux toilettes, de boire un coup, de sortir de cet endroit où il «s'emmerdait »... Ce qui a laissé penser à certains qu'il faisait peut-être un peu trop le «fou» pour prouver qu'il l'était tout en ne l'étant pas. Et à d'autres qu'il l'était vraiment. Saura-t-on un jour de lui, qui n'avait jamais fait, il est vrai, de mal aux enfants, comment est venue cette «envie» brutale de violer et d'égorger une petite fille ? Procès impossible. Vérité brouillée. Cacophonie. Les fantômes d'enfants violés et assassinés passent au-dessus des cours d'assises, dans le silence que devraient respecter leurs bourreaux, quels qu'ils soient.