Jamais assassinat de commis de l'Etat en Algérie, et Dieu sait qu'il y en a eu, n'a déclenché de manière aussi immédiate un échange public aussi contradictoire entre un officiel s'exprimant ès qualité et la famille de la victime. Le directeur général de la Sûreté nationale meurt assassiné dans son bureau, le ministre de l'Intérieur ose un commentaire sur l'événement et la famille du défunt répond du tac au tac pour mettre en doute ses propos. L'on assiste sans doute à la naissance d'une polémique qui s'annonce longue et riche en rebondissements. Jamais assassinat de commis de l'Etat en Algérie, et Dieu sait qu'il y en a eu, n'a déclenché de manière aussi immédiate un échange public aussi contradictoire entre un officiel s'exprimant ès qualité et la famille de la victime. Jusqu'ici, les assassinats de ce genre étaient systématiquement suivis de l'hommage et de la reconnaissance de l'Etat au dévouement des défunts et les familles des victimes acquiesçaient, et… accusaient le coup. Excepté le meurtre de Boudiaf dont le fils, Nacer, a fini, quelques années après, par récuser la version officielle de la liquidation de son père, ce dialogue à distance entre le ministre de l'Intérieur et la famille de feu Tounsi constitue bel et bien une première. De quoi s'agit-il ? Aux déclarations de Yazid Zerhouni, qui laissent entendre que le meurtre de Tounsi est un acte isolé, provoqué par un différend entre lui et son assassin présumé, répondent celles de la famille du défunt qui donnent à conclure que le directeur général de la Sûreté nationale a fait les frais d'un règlement de comptes, car “assassiné (…) en toute conscience (…) dans le cadre de la lutte contre la criminalité sous toutes ses formes”. En toute conscience, voilà d'ailleurs une expression faite sur mesure pour faire pièce au tout premier communiqué du département de Zerhouni, selon lequel le colonel Oultache était apparemment pris d'une “crise de démence” au moment des faits. Mais cette même expression implique surtout une possible préméditation du crime. Ce qui ouvre la porte à d'autres thèses, y compris celle de l'assassinat commandité. Et comme le crime a eu lieu dans un contexte marqué par des révélations tous azimuts sur la corruption et les malversations, l'évocation de la criminalité “sous toutes ses formes” par le communiqué établit forcément un lien direct entre la mort de Tounsi et ces révélations, l'assassin présumé n'ayant certainement pas agi pour le compte de petits délinquants. En apportant ainsi la contradiction aux thèses qui pourraient découler des propos de Zerhouni, la famille ne fait pas moins qu'ouvrir d'autres pistes quant aux tenants et aboutissants de cet assassinat. Des pistes que les déclarations de Zerhouni ont “prématurément” écartées, aux yeux de la famille. Entre les deux, la justice a du pain sur la planche.