Les moins de vingt ans ne se souviennent pas de cet arbitre tunisien, M. Bennacer, victime, lors de la Coupe du monde au Mexique, de la main de Maradona. La main de dieu, comme on l'appela à l'époque. L'Argentine avait, grâce à un premier but d'El Pibe de Oro, ouvert la marque contre l'Angleterre, alors que les feux de la guerre des Malouines n'étaient pas vraiment éteints. Sur le coup, personne n'avait vu que Maradona avait marqué de la main sauf lorsque les caméras opposées à l'action avaient fini par découvrir la supercherie d'un génie qui s'en ira battre une seconde fois le gardien anglais après un slalom irrésistible qui marquera l'histoire de la Coupe du monde. Ni M. Bennacer ni ses assistants, qui n'étaient pas munis d'oreillettes à l'époque, n'avaient pu avoir des soupçons sur ce but venu du ciel de Diego. Mais cela n'empêcha pas le pauvre arbitre tunisien, qui était l'un des meilleurs sur le continent, d'être fustigé et descendu en flammes, notamment par la presse occidentale qui le prit pour cible beaucoup plus pour ses origines que pour ses compétences (n'est-ce pas Thierry Rolland), alors qu'elle a fermé les yeux sur le scandale des deux buts hors jeu encaissés par l'URSS face à la Belgique. Vingt ans sont passés et le cauchemar de M. Bennacer s'est transformé en une fresque de mauvais goût généralisée où les erreurs de jugements se ramassent à la pelle. C'est simple : chaque rencontre de cette édition allemande de 2006 apporte son lot de bêtises et d'incompétences. Le dernier en date est l'œuvre de l'arbitre espagnol Luis Medina Cantalejo qui offrit, hier, lors d'Italie - Australie, un petit cadeau assassin au défenseur Grosso pour une faute imaginaire dans le temps additionnel. Un cadeau sous forme d'un penalty qui permit aux Italiens d'accéder aux quarts de finale, peut-être — qui sait — en guise de compensation pour l'expulsion peu convaincante de Materrazzi en début de seconde mi-temps. C'est dire qu'à trop conditionner des arbitres loin d'être performants, ces derniers dérapent fatalement. Joseph Sepp Blatter, le président Suisse de l'auguste Fifa, l'a avoué lui-même à l'issue d'un premier tour scandaleux où, comme par hasard, ce sont surtout les petites nations qui seront les victimes privilégiées. Les Ivoiriens, les Américains, les Togolais ou les Australiens, voire les Français, ont tous reproché énergiquement aux arbitres d'avoir la main légère avec eux alors qu'avec d'autres, les plus nantis, les choses se passent autrement. Pour le moment, les dirigeants du football refusent catégoriquement l'introduction de la vidéo, mais Michel Platini, membre influent de l'Uefa et de l'instance suprême du football, l'a balancé : lors du prochain Mondial, qui se déroulera en Afrique du Sud, il y aura du changement et l'apport de la technologie est inévitable, notamment lorsque le ballon franchi la ligne de but (le fameux ballon à puce) par exemple, comme ce fut e cas lors de France - Corée du Sud et le but refusé de Vieira. Sauf que la technologie ne pourra rien contre la faiblesse du niveau d'arbitrage où la palme revient à l'Anglais Graham Poll qui brandira trois fois le carton jaune avant de sortir le rouge au Croate Simunic ou à son collègue argentin Horacio Elizondo qui accorda le second but suisse contre la Corée alors que son assistant levait le drapeau signalant un hors-jeu. Sans oublier l'Allemand Markus Merk est ses deux erreurs de jugement lors de Ghana - Etats-Unis (penalty suspect et expulsion d'Essien injustifiée). Ce qui est certain, c'est que M. Bennacer peut dormir tranquille aujourd'hui, car il n'a rien à envier à Poll le Gogol, un arbitre de pure souche britannique qui a refait l'histoire à l'envers de l'arbitrage.