Superstition n Quand Fatima revient à elle et qu'elle raconte ce qu'elle a fait et ce qu'elle a entendu, le doute n'est plus permis : elle est possédée ! Les voyants ne manquent pas dans la société et la tradition algérienne, mais celle qui vivait, il y a quelques décennies dans les montagnes des Aures, Fatima Tabehloult, est particulière. Tabehloult n'est pas un nom, mais un sobriquet dans la langue des rudes montagnards : il signifie la folle, l'illuminée, et s'il a, dans certaines régions, un sens péjoratif, dans d'autres, il impose, la crainte, du moins le respect. C'est que le fou, l'illuminé n'est pas une personne dont on se moque : quand il est en transes, il voit ce que les humains ne voient pas et il peut alors révéler des choses cachées.... Mais avant d'être une bahloula, Fatima a été une femme comme toutes les autres. Elle était très jolie, disent ceux qui l'ont connue, et tous les garçons de la région la désiraient. L'un d'eux, qui habite un village voisin et membre d'une famille les plus en vue, a obtenu sa main et l'a épousée. Une année après, elle a mis au monde un beau garçon, puis l'année suivante un second. Son mari l'aimait et elle vivait en bonne intelligence avec sa belle-famille. C'est quand elle a eu son troisième enfant que les choses se sont gâtées. Son petit étant pris d'une crise de larmes, elle a cru qu'il était victime du mauvais œil. Elle a donc procédé à un rite d'expulsion en faisant tournoyer au-dessus de sa tête une poignée de sel. Puis, pour éviter que ses belles-sœurs la voient, elle est sortie de nuit pour jeter son sel contre un vieil olivier. C'était la dernière chose à faire : les parturientes, comme chacun le sait, sont exposées aux djinns et cette nuit-là, justement, en jetant son sel, elle a atteint l'un d'eux. Elle a entendu une voix caverneuse crier : «Tu m'as frappé, moi aussi je te frapperai !» Elle est rentrée précipitamment chez elle et a regagné aussitôt son lit, tremblant de tout son corps. Mais c'était trop tard, le djinn l'avait frappée ! «Frappée» signifie «possédée». Et celles qui ont connu Fatima Tabehloult, poursuivent : «Le jour même, le djinn s'est mis à parler par sa bouche, au grand étonnement de son mari : ”Je suis Flen, fils de Flen !” — Qu'est-ce qui t'arrive ?», demande le mari. Sa femme a changé de voix et elle parle comme s'il s'agissait d'un homme : «Cette femme est désormais mienne !» Il va réveiller sa mère. La belle-mère comprend immédiatement ce qui s'est passé : «Elle a été possédée par un djinn !» Quand Fatima revient à elle et qu'elle raconte ce qu'elle a fait et ce qu'elle a entendu, le doute n'est plus permis : elle est possédée ! Le jour même, on va chercher ses parents : «Venez, votre fille est possédée !» A suivre