Débrouille Retraités ou simplement accros à un métier qui leur permet de vivre, ils sont là où l?on a besoin de remplir un document ou de présenter une doléance. Les yeux cachés derrière d'épaisses lunettes de vue pour corriger une myopie, une cigarette éteinte coincée au coin des lèvres, Ahmed écoute attentivement les explications de sa cliente, avant de partir à «l'assaut» de sa vieille machine a écrire pour transcrire noir sur blanc les doléances de son interlocutrice. «Ammi» Ahmed fait partie de ces dizaines d'écrivains publics en activité dans la ville d'Oran. Grâce à leur savoir et à l'expérience acquise durant des décennies, ils aident des citoyens, illettrés ou «non initiés» aux méandres de la bureaucratie, dans leurs démarches au sein des labyrinthes et des arcanes des administrations publiques. Ils s'installent aux abords de la Grande mairie ? celle des deux Lions, comme la désignent les vieux Oranais ? ou des différentes annexes communales des plus importants quartiers de la ville, pour exercer ce métier d'utilité publique. Pour quelques dizaines de dinars, ils rédigent lettres de réclamation, demandes de logement, plaintes aux différents tribunaux ou tout simplement remplissent divers formulaires, du chèque CCP à la demande de visa. A chacun ses moyens matériels. Les uns se contentent d'une simple table basse et d?une machine à écrire portative pour remplir cette «mission». D'autres exploitent carrément une petite échoppe avec une pancarte «écrivain public : arabe et français», accrochée bien en vue à l'entrée de la boutique. Ce «luxe» est complété par un mobilier plus adéquat : bureaux, fauteuils, machine à écrire électrique et parfois un micro-ordinateur et une imprimante. «Nous prenons en charge toutes sortes de problèmes. Ce sont toutes les franges de la société qui viennent solliciter nos services», s'exclame Bachir, un retraité de la Fonction publique. Mohamed, son voisin, installé à l'entrée du marché de la Bastille, à proximité du consulat d'Espagne, réplique : «A force d'écouter les problèmes et les misères des autres, j'ai honte d'évoquer les miens.» Parfois, il ne s?agit pas seulement de doléances et de plaintes. Il existe aussi des faits insolites. Boualem raconte : «Un jour, un jeune est venu me voir pour que je lui écrive une lettre d'amour. Mon client était très sérieux et insistait pour que je prenne en charge cette tâche. Je me suis appliqué pour lui rédiger une belle missive. J'aimerais bien savoir si sa dulcinée a succombé à cette déclaration.»