Résumé de la 14e partie n Myles revient en arrière ; il se remémore sa rencontre avec sa femme et les circonstances de sa mort. Il s'inquiète pour Neeve, qui tarde à rentrer. En revenant à lui, il avait senti une petite main qui le secouait. «Venez avec moi», avait chuchoté une voix à son oreille en anglais avec un fort accent. Les vagues douloureuses qui battaient dans sa tête lui brouillaient l'esprit. Il avait des croûtes de sang séché sur les yeux. Dehors, il faisait nuit noire. Les bruits de tir éclataient au loin, sur la gauche. L'enfant — il s'était rendu compte que c'était une enfant — l'avait conduit par des chemins déserts. Il se rappelait s'être demandé où elle l'emmenait, car elle était seule. Il entendit le crissement de ses bottes militaires sur les marches de pierre, le bruit d'une grille rouillée qu'on ouvrait, puis un chuchotement pressé, l'explication de l'enfant. Elle parlait italien, à présent. Il ne comprenait pas ce qu'elle disait. Puis il avait senti un bras le soutenir, éprouvé la sensation d'être étendu sur un lit. Il avait perdu connaissance, se réveillant par intermittence, conscient de la douceur des mains qui lui humectaient et lui bandaient la tête. Son premier souvenir clair était celui d'un médecin militaire en train de l'examiner. «Vous ne connaissez pas votre chance, lui avait-il dit. Ils vous ont ramené hier. ?a n'a pas été la fête pour ceux qui ne s'en sont pas tiré.» Après la guerre, Myles avait profité d'une bourse de soldats vétérans pour s'inscrire à l'université. Le campus de Fordhom Rose Hill se trouvait à quelques kilomètres seulement de l'endroit où il avait grandi dans le Bronx. Son père, capitaine de police, s'était montré sceptique. «On n'a jamais pu faire mieux que t'envoyer au lycée, avait-il fait remarquer. Non que tu ne sois pas doué de cervelle, mais tu n'as jamais voulu mettre ton nez dans les bouquins.» Quatre ans plus tard, diplômé avec les félicitations du jury, Myles avait voulu faire des études de droit. Ravi, son père l'avait néanmoins prévenu : «Tu as du sang de flic en toi. Ne l'oublie pas une fois que tu seras bardé de tes diplômes divers et variés.» La faculté de droit. Le bureau du procureur régional. L'expérience dans le privé. Il avait alors réalisé combien il était facile pour un bon avocat d'obtenir un verdict d'acquittement. Il ne se sentait pas motivé pour ça. Il avait sauté sur l'occasion de devenir procureur de la République. C'était en 1958. Il avait trente-sept ans. Il avait connu bien des filles au cours des années, et les avait vues se marier, l'une après l'autre. Mais chaque fois qu'il avait failli se décider, une voix murmurait à son oreille : «Il existe mieux. Attends un peu.» L'idée de retourner en Italie lui était venue petit à petit. «Se faire tirer dessus en Europe, ça n'a rien à voir avec un voyage d'agrément, lui avait dit sa mère un soir où il avait exposé ses projets au cours d'un dîner à la maison. Pourquoi ne cherches-tu pas à revoir cette famille qui t'a caché à Pontici ? Je doute que tu aies été en état de les remercier à l'époque.» Il bénissait encore sa mère pour ce conseil. Car lorsqu'il avait frappé à leur porte, c'était Renata qui avait ouvert. Renata, âgée maintenant de vingt-trois ans, non de dix. Renata, grande et élancée, avec à peine une demi-tête de moins que lui. Renata qui avait dit, à son grand étonnement : «Je sais qui vous êtes. C'est vous que j'ai ramené chez nous ce soir-là.» (à suivre...)