Image n A moins de cinquante kilomètres de la capitale, aux abords de l'autoroute au niveau de la Chiffa, des tentes sont dressées sur les étendues vertes de la Mitidja. Par une belle journée printanière — en plein mois de février censé être un mois d'hiver dans le climat méditerranéen – sur un tronçon de l'autoroute Est-Ouest — qui fait couler tant d'encre —, en l'occurence entre la Chiffa et Alger, se présente sous nos yeux, une étendue verte couvrant la montagne. Des orangeraies, des pommeraies, des champs plantés de légumes, suivis d'un grand espace vierge parsemé de quelques amas de tentes ressemblant à des serres agricoles, d'un cheptel ovin, des chameaux et des ânes. Tel est le tableau qui se dessine sous nos yeux. Mais quelque chose ne cadre pas dans ce décor. Des chameaux et des ânes sur le bord d'une autoroute et des tentes dressées près d'une orangeraie sur la plaine de la Mitidja ? Le phénomène de désertification est-il si important que les gens du désert investissent, maintenant les plaines ? Des questions qui méritent le détour pour y apporter des réponses. Après un petit détour à travers les champs, voilà que quatre tentes distantes de presque cent mètres les unes des autres, surgissent de derrière les arbres. Des nomades avaient bien «planté» leurs camps ici même, à moins de cinquante kilomètres de la capitale. Craignant de déranger ces gens jaloux de leur intimité, on a donc choisi d'aborder, en premier, un des responsables de l'exploitation agricole pour établir un premier contact pour nous annoncer auprès de cette petite communauté. Ammi Mohamed, un des exploitants accepte avec joie de nous servir d'intermédiaire et fait appel aussitôt aux représentants du groupe. D'abord les jeunes, puis les vieux, s'empressent de nous accueillir avec toute l'hospitalité caractérisant les gens des grands espaces. Deux sexagénaires, apparemment des chefs de famille nous expliquent qu'ils sont venus de Sidi-Aïssa, une localité de la wilaya de M'sila et sont installés, ici, depuis pratiquement deux ans. Interrogés sur les raisons qui les ont poussés à quitter leurs terres, ils resteront évasifs, se contentant de rappeler : «Nous sommes des nomades et c'est la providence qui nous guide. On est des éleveurs de bétail, de ce fait nous sommes constamment à la recherche de nouveaux pâturages, c'est ce qui nous a amenés à nous installer ici» nous dit Omar Atoui, 68 ans. Ce seraient donc les conditions climatiques qui les auraient poussés à venir vivre dans un environnement auquel ils ne sont pas habitués et qui leur est hostile. A moins que ce ne soit une situation sécuritaire dont les traumatismes sont encore trop présents pour qu'ils puissent en parler. Au fil de la discussion, on saura, en effet, que ces familles comptent des victimes du terrorisme. Quel que soit le drame qu'ils ont fui, celui qu'ils ont retrouvé n'est pas meilleur. Questionné à propos du propriétaire du terrain, M. Atoui nous répond qu'«ayant trouvé cette terre déserte, on s'y est installé. Le jour où ses propriétaires voudront la travailler nous quitterons les lieux et irons ailleurs.» «Avant, expliquera hadj Omar, nous habitions des taudis construits illicitement à Semmar à Alger. Les autorités ont démoli nos demeures, nous avons dû nous installer ici.»