Histoire n Le livre évoque ces officiers et cadres de l'armée française qui n'ont pas toléré l'usage de la torture et dénoncé sa banalisation et son institutionnalisation. La guerre d'Algérie, dans sa complexité, ne cesse, depuis quelques années, de susciter, ici comme en France, débats et questionnements, soulevant tensions politiques et confrontations entre historiens. De ces débats tumultueux, voire de ces révélations inattendues – mais évidentes – ressort le fait de la torture pratiquée – secrètement – par l'armée française en cette période. Chose qui a choqué l'opinion publique. D'où l'étiquette d'une armée tortionnaire. Il se trouve toutefois que des officiers constituant l'encadrement supérieur de l'armée française ont refusé de cautionner les exactions perpétrées par les concernées. Ils n'ont pas accepté «les dérives de la guerre d'Algérie, en particulier l'emploi de la torture comme pis-aller des moyens de renseignement.» Ainsi, Jean-Charles Jaufferet, historien, spécialiste de l'histoire militaire coloniale et qui dirige un programme de recherches relatif à l'Algérie, lève le voile sur ce pan de l'histoire, et cela à travers «ces officiers qui ont dit non à la torture», un livre paru récemment aux éditions Chihab. L'auteur écrit que déjà, en 1949, le gouverneur général, Marcel-Edmond Naegelen, a condamné dans une circulaire adressée aux préfets l'usage de la violence pouvant aller jusqu'au supplice pour arracher des aveux. «Renouvelée en 1952, écrit l'auteur, cette interdiction semble être restée lettre morte, en dépit de la punition exemplaire infligée, dit Naegelen sans plus de précisions, à un lieutenant de gendarmerie à l'occasion des brutalités commises lors de la fouille du village de Sidi -Ali- Bounab, en Kabylie.» Et d'ajouter : «Dès novembre 1954, François Mauriac dénonce avant tous les autres, dans les colonnes de l'Express, l'usage de la torture.» Plus tard, d'autres officiers et cadres, qu'ils soient de confession chrétienne ou d'obédience marxiste, qu'ils agissent au nom de leur seule morale ou au nom de l'éthique de l'officier, n'ont pas toléré l'usage de la torture, ils étaient en effet nombreux à dénoncer à l'époque, et même après la bataille d'Alger, les pratiques contraires aux traditions de l'armée, la banalisation et l'institutionnalisation de la torture, puisque «les méthodes employées en Algérie posent à beaucoup des problèmes de conscience», écrit l'auteur. Ainsi, celui-ci rend compte, dans ce livre qui se révèle le résultat d'une longue enquête, et hors de toute polémique, en croisant les sources (archives), de l'existence, en cette période, d'un débat sur la question de la torture, même si cela se faisait de façon feutrée. L'ouvrage expose et analyse en même temps.