Le film est une critique contre la loi du 23 février 2005. C'est désormais comme une fatalité: les relations algéro-françaises sont suspendues au bout d'une phrase: «Je t'aime moi non plus». C'est cette réflexion qui nous revient à l'esprit en regardant le film Mon colonel. Projeté en avant-première, dimanche soir, à la salle El Mougar, le film, réalisé par Laurent Herbiet, remet sur le tapis le lancinant débat relatif à la pratique de la torture par l'armée coloniale lors de la guerre d'Algérie. D'une durée de 1h 51 minutes, le film a été adapté au cinéma d'après le roman Mon colonel de Francis Zamponi (Actes Sud). Il se décline en flash-back entre le passé et le présent, dont l'un est réalisé en noir et blanc (pour le passé) et l'autre en couleur. Un traitement qui donne son originalité au film. Ce long métrage de fiction, tourné à Sétif, à El Eulma et à Constantine, relate l'histoire d'un jeune officier engagé dans l'armée française. Au lendemain de son incorporation, il est envoyé servir la «pacification» en Algérie. L'action se passe en 1995 à Paris. Le colonel en retraite, Raoul Duplan, est retrouvé chez lui gisant dans une mare de sang, une balle dans la tête. Une série de lettres, toutes anonymes sont envoyées aux enquêteurs: «Le colonel est mort à Saint-Arnaud». Au fil des lectures de ces lettres, le réalisateur nous renvoie à l'année 1957. Lieu: Saint Arnaud (aujourd'hui El Eulma), située dans l'Est algérien. Un jeune officier juriste, Guy Rossi (Robinson Stevenin), engagé dans le régiment, prend ses fonctions auprès du colonel Duplan (Olivier Gourmet). La machine des pouvoirs spéciaux et de la torture institutionnalisée se met tranquillement en branle. Elle fera du jeune juriste un bourreau. Et elle rattrapera Duplan, quarante ans plus tard. Elle interpelle également la France coloniale à reconnaître ses crimes commis, non seulement en Algérie, mais encore dans toutes ses autres colonies. «La mission civilisatrice» dont le Parlement français, faisait l'éloge n'est plus désormais qu'une chimère. C'est un mensonge que le producteur du film, Costa Gavras, remet au jour, à la veille de la visite en Algérie, du ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy. Mon colonel s'est astreint également à montrer le vrai visage de «l'Algérie française». Une Algérie où les riches colons s'enrichissaient et les indigènes en guenilles s'appauvrissaient. Aussi, dans ce film, on touche le point sensible de cette mission «civilisatrice» dont la France coloniale se targue, celle d'instruire les Algériens. Le film Mon colonel, nous le confirme franchement: les quelques Algériens ayant été à l'école coloniale, ne recevaient que la formation propre à les mettre au service de l'occupant. Par ailleurs, le film est aussi une manière de répondre, sans ambages ni détours, aux concepteurs de la loi du 23 février 2005 qui a fait l'apologie des bienfaits du colonialisme. Ce texte de loi, faut-il le rappeler, avait suscité le courroux des anciennes colonies françaises, dont l'Algérie. C'est pourquoi il n'a pas fait long feu avec l'abrogation de l'article 4 en question par le président Jacques Chirac. Il faut savoir aussi que la polémique autour de cette loi a surgi au moment où l'Hexagone voulait, vaille que vaille, signer un traité d'amitié avec l'Algérie. Chose qu'Alger a écarté d'un revers de la main, exigeant avant toute chose la reconnaissance par la France du génocide perpétré tout au long de sa présence en Algérie. Il convient de souligner, en sus, que le film Mon colonel quoi qu'il existe un précédent est la première oeuvre de fiction produite par des Français qui aborde la question douloureuse de la torture. Un sujet qui, jusqu'au début 2000, était encore tabou. Néanmoins, l'enquête réalisée par Florence Beaugé, journaliste française travaillant pour le journal Le Monde, a fait la pleine lumière sur le sujet, notamment après les déclarations de l'une des héroïnes de la guerre de Libération, Louisette Ighil Ahriz. Dans une interview restée célèbre, Mme Ighil Ahriz a jeté un pavé dans la mare en accusant le général Aussaresses d'avoir pratiqué la torture sur les militants et militantes du Front de libération nationale pendant la guerre d'Algérie. Et ce qui a causé un peu plus d'embarras parmi la classe politique française à l'époque, c'est la confirmation par le mis en cause des déclarations de Louisette Ighil Ahriz. Le général Aussaresses est allé plus loin en révélant, notamment les circonstances dans lesquelles ont été assassinés Larbi Ben M'hidi et Ali Boumendjel. Le film Mon colonel, dont la sortie en France est prévue pour demain, est donc le deuxième film de fiction dénonçant la torture pratiquée sur les Algériens par l'armée coloniale. Le premier étant La question, d'après le livre d'Henry Alleg du même titre, réalisé en 1977 par Laurent Heynemann, resté longtemps en stand-by du fait de la censure. Le film, défrayera sans doute la chronique, d'autant qu'il se veut être un sévère réquisitoire contre le colonialisme.