Résumé de la 3e partie n La mère d'Isabelle se transforme en policière. Les premiers indices récoltés constituent le premier pas vers la vérité… sur sa fille. De la fumée, de vagues souvenirs, des bulles de souvenir. Il faut être une mère pour s'accrocher à si peu. Pour revenir inlassablement, jour après jour, demander désespérément : «Vous connaissez Isabelle D. ?» Un jour, enfin, une petite jeune fille boulotte apporte la réponse tant attendue. «Isabelle, on la voit plus au cours. Elle a laissé tomber sa thèse, c'est son copain Frank qui me l'a dit. — Qui est Frank ? Son petit ami ? — Non, son copain, ils bossaient ensemble, ils avaient le même prof comme directeur de thèse. Vous êtes sa mère et vous saviez pas ça ? — Où est Frank ? — On le voit plus souvent, lui non plus. Il est un peu dingue, ce type. Brillant, mais dingue... — Aidez-moi à le rencontrer, je vous en prie. Il sait peut-être où se trouve ma fille. — Tout ce que je sais, c'est qu'il joue de la musique dans un club de jazz, du saxo.» Enfin, il est là, dans la fumée d'une cave, grand et maigre, silhouette fantomatique, accroché à son instrument. C'est lui. L'instinct d'une mère ne peut pas tromper. C'est lui, ce faiseur de bruit syncopé, de musique moderne réservée à une élite d'initiés. Il est en sueur, désinvolte, il s'assoit par terre et lève sur la mère d'Isabelle un regard désabusé. «Qui ça ? Isabelle ? Ah ! oui, elle est morte, Isabelle.» Il savait, bien sûr. Et déjà il regarde ailleurs, il échappe, comme un coupable. Il faut jouer la ruse, pour être sûre. «Vous êtes le seul qui pourriez m'expliquer. Je suis sa mère. J'ai besoin de comprendre. Cette drogue, cette expérience. Qu'est-ce que vous cherchez ? Quelle drogue ? Je sais pas de quoi vous parIez. Fichez le camp. — Elle m'a dit que vous faisiez une expérience ensemble. — Foutaise. ?a n'a rien donné. Mais vous ? — Quoi, moi ? On a tenté un truc. C'est pas de ma faute si elle s'est obstinée. — Parce que vous, vous avez abandonné ? — ?a m'a amusé quelque temps. Des trucs de gamins. Vous frappez pas comme ça. Isabelle prenait tout au sérieux, pas marrante du tout. J'ai pas envie d'en parIer, d'accord ? Vous m'oubliez un peu, d'accord ? — Elle est morte, et vous voulez oublier ? — Okay, j'ai compris. La faute à qui, hein ? Tout ça parce qu'elle vous a raconté que je lui ai filé des bonbons, et après ? J'en ai donné à d'autres ! Qu'est-ce que vous croyez ? Que je vais me battre la coulpe en répétant devant Dieu c'est ma faute, c'est ma très grande faute ? Elle est allée trop loin, c'est tout. ?a me regarde pas. — Elle est morte ! Vous lui avez donné la mort. C'est vous qui lui avez fait avaler cette saleté ! — Mais non, c'est pas moi, c'est personne ! C'est même pas le type qui a fabriqué cette saleté, comme vous dites. ?a n'avait rien de dangereux, on l'a tous essayée, on n'en est pas morts. Maintenant, fichez-moi la paix avec vos salades. Puisque votre petite fille vous disait tout, elle a dû vous dire qu'elle voulait atteindre les sommets ? Le mystique ? Dieu, ou je ne sais quoi d'autre ? Foutaise, je vous dis. ?a ne m'intéresse pas, ça me concerne pas. Je n'étais pas son maître à penser. Vous, les parents, c'est toujours pareil, c'est toujours la faute des autres, vous pigez rien. J'ai pas de parents, moi. Un vrai bonheur, personne pour s'accrocher à mes basques. — Vous êtes odieux, un monstre. — Il faut bien être quelque chose ou quelqu'un, non ? Allez-vous-en. C'est pas un endroit pour vous. Les parents n'on rien à faire ici.» La mère d'Isabelle a rapporté cette conversation à la police. Elle seule pourrait le faire. Elle a quitté le club de jazz. Elle est montée dans sa voiture. Elle a attendu jusqu'à quatre heures du matin. Une longue préméditation. Quand il est sorti, en traînant son saxophone, elle l'a suivi, en roulant doucement d'abord, puis elle a accéléré. Il y avait des témoins. Ils ont vu la voiture passer sur le grand corps maigre, en rugissant du moteur, comme un fauve. Folie. Internement. Vengeance désespérée, pas de jugement. Qui sont les victimes, qui sont les assassins. On ne sait plus.