Réflexion n La générale de La Poudre d'intelligence, un texte de Kateb Yacine, a été donnée, hier, mardi, au Théâtre national. Produite par le théâtre régional de Sidi Bel Abbès, la pièce, adaptée par Youcef Milah et mise en scène par Hacen Assous, illustre les rapports entre gouvernants et gouvernés, rapports de tension et de confrontation. La pièce raconte la place du penseur et du chercheur dans une société où les dirigeants politiques ne leur accordent pas la moindre considération. La pièce est une adaptation, donc le texte n'est pas une mise en espace tel qu'il est, initialement, voulu dans l'écrit. Pour les puristes, les défendeurs d'une représentation rigoriste et qui respectent les préceptes premiers, la pièce ne s'est pas montré fidèle au texte originel tant la mise en scène s'est révélé décalée, voire hasardeuse par rapport aux intentions de l'auteur, tandis que ceux qui militent pour une interprétation novatrice, voire audacieuse en vue de sortir d'une performance qui peut s'avérer vétuste et inadaptée à l'instant présent, une interprétation inscrite dans la contemporanéité et, du coup, répondant à la sensibilité du public, jeune pour la plupart, revoir le texte et lui donner un accent plutôt jeune et vivace, donc une nouvelle jeunesse s'impose en revanche, et cela pour susciter l'intérêt de l'assistance et la garder en haleine du début à la fin. Les avis sont ainsi partagés, et y trancher ne signifie que prendre position. C'est donc au public d'en juger. Les traditionalistes, ceux qui sont pour une interprétation conforme au texte premier, reprochent d'ailleurs amèrement à la pièce, donc au metteur en scène, d'avoir utilisé quelques extravagances, d'avoir mêlé le jeu à quelques encablures folkloriques, donc stéréotypées. Ils lui reprochent de faire dans le populaire plutôt que dans l'intellectuel. Mais ce que Hacen Assous, le metteur en scène, a voulu faire – et à en juger à travers la manière dont cela a été fait –, c'est bien de rendre la pièce perceptible pour le public et, du coup, permettre à celui-ci de s'adapter aisément au rythme de la pièce, sans qu'il y ait besoin de se livrer à un effort intellectuel pour essayer une lecture et une analyse qui risquerait, et cela faute de partager avec l'auteur le même langage ou bien que ce langage n'est plus en accord avec celui des jeunes générations, d'être chaotique. Et s'il a utilisé un peu de folklore, c'est seulement pour donner une vision caricaturale de la réalité qui colle à la réalité des sociétés arabes. Pour le metteur en scène, «le message premier du théâtre est de distraire le public, en lui offrant des représentations de haute facture, et à lui d'en tirer les enseignements». Il estime que «le travail créatif doit être exempt de l'aspect idéologique, aspect qui avait de tout temps influé négativement sur la créativité et sur les orientations du public en général». En d'autres termes, Hacen Assous a aéré le texte qui constitue en soi un méandre de symboles, c'est-à-dire une écriture profonde et complexe (parfois contradictoire), d'où l'appellation «l'écriture katabienne». Il l'a rendu simple et souple à la compréhension. Il lui a évité de choir dans le fastidieux et le confus. Le jeu, fluide et spontané, s'est avéré effectivement vivant, attachant et même savoureux tant les comédiens ont su mettre en espace leur personnage ; et à aucun moment, il n'a présenté des lenteurs et généré un sentiment de lassitude. Ils ont su marquer leur effet scénique. Tous étaient d'un naturel franc, inattendu. Pour de jeunes amateurs, c'était un défi qui a été réellement relevé, celui de se rapprocher du public.