Activité n Hamid et Ali sont deux éleveurs. Ils ont vendu une cargaison de moutons et reviennent chez eux, de nuit. «La nuit, dit la sagesse populaire, passez votre chemin, ne vous arrêtez pas, n'approchez pas des animaux inconnus.» Mais cet adage, Hamid et son frère Ali, qui revenaient, cette nuit là, au bord de leur camionnette bâchée, ne le connaissent pas ou alors l'ont oublié. Les deux frères sont des éleveurs des Hauts-Plateaux, et on peut dire qu'ils ont bien rempli leur journée. A l'approche de l'aïd el Kébir, ils n'arrêtent pas de livrer des moutons aux revendeurs locaux qui, à leur tour, vont les vendre dans les villes. Ils ont bien travaillé, vendant toute leur cargaison et prenant des commandes pour les jours suivants. La campagne est plongée dans le noir, et seuls les phares de la voiture éclairent le chemin. C'est Hamid qui conduit et il faut dire qu'il va vite. — Va doucement, dit Ali ! Hamid rit. — Il n'y a personne dans la campagne ! — Une voiture pourrait sortir à l'improviste, il y a aussi parfois des tracteurs stationnés au milieu de la route... — Tu es comme père et mère, dit Hamid, ils incitent toujours à la prudence ! — Et comme tu le sais, la prudence est parfois plus forte que le destin : un malheur te guette mais comme tu te montres prudent, tu parviens à l'éviter ! — Là, dit Hamid, tu parles comme les vieilles femmes ! Parlons plutôt de la journée... — Elle a été bonne, dit Ali, nous avons tiré un bon prix de nos bêtes ! — Oui, dit Hamid, mais nous aurions pu en tirer un prix encore plus fort ! — Comment cela ? demande Ali. — En vendant nous mêmes nos bêtes dans les villes ! — Tu sais bien que nous sommes des éleveurs, pas des revendeurs ! — Le commerce, c'est le commerce... Pourquoi laisser ces revendeurs s'enrichir ? Ils ne peinent pas pour les bêtes, eux ! Ils ne font que les acheter, ils remplissent des camions et ils vont les revendre dans les villes.... — Nous n'avons pas de camions, nous... — Nous en louerons... — Il faudra en discuter avec père ! Hamid hausse les épaules. — Père ne sera pas d'accord. Il dira que ce que nous gagnons nous suffit et qu'il faut aussi laisser leur part aux autres. Ali regarde son frère. — Il a raison, non ? — Bien sûr qu'il n'a pas raison. Il faut avant tout penser à nous.... Nous faisons un métier très difficile, il est normal que nous soyons les premiers à profiter de nos bêtes... — Hé ! crie Ali, ralentis. Il y a quelque chose sur la route. (à suivre...)