Espoir n Après trois jours de silence et d'abstinence, Safia accompagne sa fille Malika au «Ghrab» dans une ultime tentative pour la fille d'avoir un enfant. Dès le portail qui donne sur la cour immense, une femme les débarrasse de leurs couffins. Les victuailles serviront, avec beaucoup d'autres, au repas commun qui sera servi à tous les présents. Maâmar et son père font demi-tour, laissant les deux femmes remplir «leur devoir». Il y a beaucoup de monde dans la grotte. En petits groupes, discutant, attendant l'après-midi et «nasb el-hadra». Le repas, du couscous à la viande de mouton et au poulet, est servi dans de larges gsaâ de bois, toutes provenant de dons. Des femmes, jeunes et vieilles, s'affairent, servent à boire, ajoutent de la sauce sur les plats de couscous à la demande… Vers trois heures, tout est prêt. Celles qui sont allées se rafraîchir dans la borma sont revenues encore toutes rougies par la vapeur d'eau. Au fond de la grotte blanchie à la chaux, sous des fanions rouges et verts accrochés au mur, est assis le maître de la hadra entouré de son groupe. Tous ont la peau noire, d'origine soudanaise : el ouasfane. Un grand silence se fait dans les groupes de femmes. Les hommes se lèvent, ajustent leurs gandouras blanches, tandis que les bendirs chauffent au-dessus des feux de braise. De temps à autre, l'un d'eux avale une cuillère de miel contenu dans un bol de cuivre. On essaye les bendirs. Et les ouasfane se mettent en rang. Ils sont une quinzaine. Un long silence. Les femmes retiennent leur souffle et soudain, comme un tonnerre qui ébranle la grotte dans un ensemble parfait, la hadra commence. «Allah masali ala Nebi». Les youyous fusent, l'ambiance est extraordinaire. Comme les autres, Safia, dès le premier couplet, s'avance en se dandinant de droite à gauche. Le rythme est assez lent, c'est la première phase de la danse… Puis, petit à petit, sans transition, il va devenir de plus en plus rapide. Safia lance ses bras en l'air, sa tête semble comme désarticulée. Malika, craignant pour sa mère, s'approche vivement et la retient par le dos et la ceinture. Safia fait maintenant de grands bonds sur place, fouettant l'air de ses nattes enrubannées. Autour d'elles, les femmes dansent au rythme hallucinant des bendirs et des grosses castagnettes. Les hommes transpirent. Leurs visages noirs brillent sous les lampes et ils enchaînent les rythmes faisant vibrer les parois de l'immense grotte. Durant la pause où les khdimas noires remettent les bendirs à chauffer, le maître lance à Malika sa gandoura noire, qu'elle enfile et avec laquelle elle va danser la prochaine nouba. Il en fera de même pour celles venues jeter la «nêchra». Les chants et les danses reprennent, plus forts, plus rythmés. L'encens parfume l'air, mélangé au musc. Et pendant plusieurs heures, ces femmes vont vivre au son des bendirs et des voix retentissantes, comme détachées du monde extérieur. (à suivre...)