Les étudiants sont la crème de la société. Son élite et son avant-garde. Ils sont censés représenter ce qu?il y a de meilleur. Ils ont parcouru avec succès le cycle de l?école primaire, celui de l?enseignement moyen puis secondaire. Ils ont réussi à surmonter l?obstacle ultime, celui du baccalauréat, passant définitivement de l?autre côté de la société, celui de la réussite sociale. Couronnement d?années d?efforts et de labeur. Maintenant, ils sont à l?université. Ils apprennent à réfléchir et à travailler autrement. De façon rationnelle et empirique. Ils se sustentent au nectar du savoir et de la science. C?est l?élévation mentale et intellectuelle. Tous tendent à se hisser au summum de la connaissance et de la raison. A celui de l?intégrité morale aussi, car en ces murs et dans cette atmosphère bat le c?ur de la conscience universelle. Ici se trouve l?héritage cumulé de siècles de recherche ardente de la connaissance intégrale. Ceux qui en sortiront armés de leurs diplômes, prendront la relève de l?élite. Ils ne seront pas seulement la fine fleur des professions libérales, mais aussi présidents de cour, préfets de police, walis, ministres. Ils occuperont tous les postes-clés du pays, presque tous les sièges élus, jusqu?à celui de chef de l?Etat, tous les postes de diplomates, toutes les charges institutionnelles. Toute une génération devra s?effacer pour les laisser s?asseoir sur des sièges de haute dignité, pour confier à leurs mains juvéniles les rênes de la nation. Dans quelques années, ceux qui s?apprêtent, aujourd?hui, à quitter les campus, prendront en main le destin national. Mais ils iront au champ de bataille désarmés et dépourvus de cet art qui fait gagner les guerres, celui qu?on apprend de la bouche des sages et des nobles. Ils n?auront pas eu cet insigne privilège. Un grand nombre d?entre eux devront porter des charges beaucoup trop lourdes pour leurs trop frêles épaules. Car, ils sont la génération de l?école fondamentale, de la forfaiture et du terrorisme. Ne leur jetons pas la pierre et plaignons-les plutôt. Ils sont les victimes innocentes d?apprentis sorciers qui ont fait tomber la grêle dévastatrice quand ils promettaient la pluie bienfaisante. Sauf qu?ils ont pris la précaution d?envoyer leurs propres rejetons se forger le cerveau ailleurs ! Chez ceux qui savent faire tomber la pluie.