Œuvre n Le réalisateur est soucieux de débusquer les vérités et notamment d'appréhender l'Histoire et l'interroger pour répondre aux questions du présent et de penser à l'avenir. Jean-Pierre Lledo revient, après Un rêve algérien et Algérie, mes fantômes, avec un nouveau documentaire, Ne restent dans l'oued que ses galets, clôturant ainsi une trilogie cinématographique consacrée à l'Algérie, à son histoire et à son identité. Le film, qui devait passer en avant-première mercredi dernier à la salle Ibn Zeydoun (Riad-el-Feth), et ce, dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe», a été, rappelons-le, annulé, à la dernière minute, par les responsables de la manifestation, notamment le département chargé de soutenir les projets audiovisuels et cinématographiques. Interrogé par InfoSoir sur les raisons de cette mesure, Jean-Pierre Lledo s'est dit étonné que son film soit annulé par ceux qui, au préalable, avaient accepté le scénario et donné leur accord en le soutenant financièrement. «Le contrat stipule d'une part que le film doit être projeté dans le cadre de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe» et d'autre part que je remette à la commission une copie, mais à aucun moment il ne spécifie que le film soit visionné par le même organisme avant l'avant-première. J'ai donc refusé parce que cela signifie de la censure. J'ai refusé en expliquant aux responsables que le contrat ne mentionne nullement pareille mesure. Ils m'ont répondu qu'il s'agit d'une clause qui venait d'être ajoutée au contrat. Il se trouve que cette mesure ne concerne aucun autre réalisateur. C'est une mesure d'exception faite pour moi.» Jean-Pierre Lledo a regretté, par ailleurs, que la projection de son film soit aussi annulée à Constantine et à Oran. «La projection de mon film à Oran et à Constantine qui, elle, ne s'inscrit pas dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe» a été également annulé», a-t-il indiqué, déplorant que tout cela ait été fait par téléphone et sans qu'il y ait d'explications. Et de préciser : «Mon film a reçu l'aval des instances concernées, il a reçu toutes les autorisations de tournage, il n'a pas été fait dans la clandestinité.» Pour en savoir plus, nous avons voulu approcher les responsables du département en question, mais aucun d'eux ne répondait. Quant au contenu du film – qui n'a du reste rien de subversif – il explore, tout comme les précédents du même réalisateur, la mémoire de l'Algérie en invoquant son histoire et en s'y appuyant particulièrement. «Mon film est une exploration des rapports multiethniques et multiculturels (musulmans, chrétiens et juifs) dans l'Algérie coloniale», a expliqué le réalisateur, avant d'ajouter que lorsque ces liens qui mettent l'Algérie et la France en situation commune et de réciprocité sont évoqués, ils le sont toujours dans un contexte conflictuel. L'Algérie et la France sont héritières d'une histoire commune, mais violente. Et cette mémoire partagée est évoquée uniquement dans ce sens.» Ainsi, Jean-Pierre Lledo cherche dans son film à penser autrement cette relation exceptionnelle entre les différentes communautés – une cohabitation qui a su se faire – loin et en dehors des tensions politiques, des rivalités sociales ou encore des antagonismes culturels ou religieux. Les trois documentaires du réalisateur, ancrés dans la recherche historique, questionnent le présent, interpellent le passé et aussi se préoccupent de l'avenir. Ils tentent de répondre à la même question : l'échec d'une Algérie qui, au lendemain de l'indépendance, et notamment avec l'exode massif des pieds-noirs, n'a pas pu, n'a pas su ou bien n'a pas voulu rester multiethnique et multiculturelle. Ils s'interrogent : que reste-t-il de cette cohabitation entre les différentes communautés dans la mémoire des Algériens d'origine berbéro-arabo-musulmane ?