Appréhension n Inquiète, Morjana entrouvrit la lourde porte. Tétanisée, elle sentit qu'on lui retirait son voile. «Hmm ! Bonsoir ! Bienvenue !» La voix était légèrement chevrotante. D'abord, elle n'osa pas lever les yeux, puis, horrifiée, elle vit devant elle un petit vieillard, beaucoup plus vieux que son père, vêtu d'une gandoura blanche immaculée. Il avait la tête découverte, des cheveux comme neige, très courts. Ce sont surtout ses yeux qui lui firent le plus peur : ils étaient petits, rieurs, avec de grosses poches foncées. Sa lèvre inférieure, lippue, lui donnait un air veule qui effraya F'tima encore plus... «N'aie pas peur, ... F'tima ! C'est bien ça ? Oui, F'tima ! Moi c'est Amor, sidêk Amor !» Le lendemain matin, quand le maître de maison sortit, Morjana et Lila, qui avaient dormi sur des peaux de mouton devant la porte de leur maîtresse, se précipitèrent. F'tima gisait dans la couche, feignant de dormir. «Maîtresse ! Maîtresse ! Réveille-toi, bonjour ! Jour de miel et de jasmin.» La jeune fille, qui s'assit sur son séant, était très pâle, muette. Au bout d'un long moment, alors que les servantes s'affairaient dans la pièce et lui préparaient sa tenue, elle leur dit : «Sortez un moment, il faut que je reste seule ! Allez !» Etonnées, les deux femmes sortirent. F'tima referma la porte. «Ne revenez que quand je vous appellerai !» Elles attendirent longtemps. Puis Morjana, légèrement inquiète, entrouvrit la lourde porte et passa sa tête frisée à l'intérieur. Elle poussa soudain un long hurlement et se précipita dans la pièce, suivie de Lila, et de toutes les femmes de la maison, accourues de toutes parts. Un long silence se fit... Sur la couche de soie blanche, F'tima semblait dormir dans un léger sourire. De son bras gauche coulait un long filet de sang qui faisait une grande tache pourpre près de son flanc. Dans sa main droite, légèrement ouverte, elle semblait encore tenir l'un des poignards de Boussaâda qui ornaient la tête du lit nuptial.