«Pourquoi tant de détresse, de mépris ? Ne sommes-nous pas des citoyens algériens ?» Une clôture de fortune entoure un espace vert. Une douzaine de tentes abritant dix familles sont éparpillées tout le long du parc. Lieu de détente et de repos, il y a quelques mois à peine, l?endroit s?est transformé, aujourd?hui, en un abri de fortune. Ces refuges, les sinistrés les ont acquis avec leur propre moyen. «On ne nous a rien donné», revient tel un leitmotiv. «La seule et unique tente qu?ils ont dressée est celle que vous voyez là», témoignent-ils. Pas besoin de trop s?étaler sur les dons ou sur les produits de première nécessité qui affluaient des quatre coins de la planète. «Mais où sont ces dons généreusement offerts par des milliers de personnes ?», lancent ces sinistrés. En effet, depuis plusieurs semaines, les sinistrés de la cité des Falaises, sise à Aïn Taya n?ont bénéficié d?aucun don du Croissant-Rouge algérien. Aux immeubles A, B et F, le problème de l?eau se pose avec acuité. Celui des amas d?ordures aussi. Le suivi médical, témoignent-ils, laisse à désirer. «La commission médicale est passée une seule fois seulement. Depuis, ce sont les malades qui sont obligés de faire le trajet jusque chez le médecin du camp au stade communal.» À l?intérieur de ces chapiteaux, une chaleur suffocante rend l?air irrespirable. Ici, beaucoup de problèmes sont exposés. Ils demeurent toujours sans solution. Sous ces tentes, les femmes discutent de leur misère quotidienne ; de l?été dernier où la plage était bondée de monde. Du linge est étendu sur un fil. Des vieux matelas sont posés contre le grillage. Tout près d?une tente, des fenêtres et des persiennes sont exposées. «Vous savez, nous avons peur des voleurs», explique Kamel, le délégué des familles. Au rez-de-chaussée du bâtiment F, les murs intérieurs et extérieurs n?existent plus. Un entrepreneur a déjà commencé les travaux. «Nous devons patienter des semaines, voire des mois, pour pouvoir regagner nos demeures.» Pour leurs besoins vitaux, les familles sont dans l?obligation de se débrouiller. «Ceux qui ont de la famille ont déjà quitté les lieux laissant un membre de la famille sur ce site, tandis que ceux qui n?ont aucun proche retournent chez leurs voisins du palier supérieur qui n?ont pas eu de gros dégâts», ajoute ce délégué. De l?autre côté de ces immeubles, des familles, dont les demeures ont été sérieusement endommagées, vivent dans des garages. «Nous préférons rester ici plutôt que de revivre l?expérience du mercredi noir», lancent-ils. «L?aide des pouvoirs publics ?» La même réponse revient à chaque fois : «Nulle !» Au terrain de handball, situé à quelques pas du bâtiment C, 25 familles sinistrées sont installées. Un amas d?ordures obstrue l?entrée. Personne n?a jugé utile de le dégager. Plus loin, des vestiaires sont dans un état déplorable. Des bouteilles d?eau minérale vides et des détritus jonchent le sol. «Nous leur avons demandé de restaurer les vestiaires et de les transformer en sanitaires, mais rien de cela n?a été fait», affirment les sinistrés qui ajoutent qu?ils doivent prendre le risque d?accéder à leur maison en ruine pour leurs besoins naturels. Ici, les responsables n?ont rien fait pour atténuer la douleur des sinistrés. « Même la cour, qu?ils devaient aménager pour laver le linge, n?a pas été réalisée», relatent-ils. «De faux sinistrés occupent un site officiel et profitent de toutes les commodités et de tous les soins alors que nous, nous sommes considérés comme de faux sinistrés, c?est le monde à l?envers !», lance, mélancolique, le délégué des familles. Plus de 45 jours après la catastrophe, la situation s?est sensiblement détériorée. «Pourquoi tant de mépris envers nous. Ne sommes-nous pas des sinistrés ? Pourquoi ce deux poids, deux mesures ? Pourquoi ne se souvient-on de nous qu?à la veille des échéances électorales ?» Des questions qui demeurent sans réponse. Ici le camp officiel, celui du stade communal, affiche complet. Il n?y a aucune place de libre pour eux. À l?intérieur, les 173 familles sont logées dans 92 tentes et bénéficient, selon l?administrateur, de toutes les commodités. «Je n?ai jamais eu de problème», reconnaît-il, précisant que les sanitaires, la couverture médicale sont disponibles et que des repas chauds ou des kits sont quotidiennement distribués. Pour ce commis de l?Etat, les familles installées à côté de leurs immeubles ne dépendent pas de ses prérogatives : «Je ne suis responsable que des sinistrés qui se trouvent au niveau du stade communal de football et ceux qui sont installés sur les terrains de handball et de volley-ball». Ceux que nous avons interrogés au terrain de handball ne partagent pas ce même avis.