Nostalgie n La chanson algérienne de l'émigration au temps des scopitones a été évoquée, hier, lors d'une rencontre au Centre culturel français d'Alger. Animée par Rachid Mokhtari, critique, essayiste et romancier, cette rencontre a passé en revue l'histoire de la chanson algérienne née dans les milieux populaires de l'émigration en France, histoire correspondant à celle des réseaux et supports de diffusion, à l'exemple notamment des scopitones. D'abord qu'est-ce qu'un scopitone ? «Il est vrai que scopitone s'avère un mot inconnu pour les jeunes générations», a dit le conférencier, ajoutant aussitôt : «Le scopitone désigne le juke-box à images, introduit dans les cafés des travailleurs au début des années 1960. Cette machine diffuse des vidéos-clips en couleurs alors que la télévision était encore en noir et blanc.» Ainsi, 250 bars et cafés fréquentés par les émigrés étaient équipés de scopitones qui diffusaient des complaintes migratoires. Cette belle aventure musicale des premiers vidéos-clips s'est prolongée jusqu'aux années 1980. «Ces machines, qui sont l'œuvre de Daidy Davis-Boyer surnommée Mamie scopitone, diffusaient de petits films musicaux – des vidéos-clips – produits et réalisés par une équipe française, qui mettaient en scène des chanteurs du Maghreb, surtout les chanteurs kabyles, et également des chanteurs du Mashreq.» Le conférencier a expliqué que «pour la chanson algérienne, c'était la première fois dans son histoire que ses voix écoutées à satiété sur disques 45T diffusés dans les juke-box installés depuis 1929 dans les cafés français, allaient, grâce aux scopitones, avoir un visage et des mises en scène visuelles des chansons les plus demandées par le public.» En outre, les scopitones ont joué un grand rôle dans le lancement de jeunes chanteurs algériens (Kamel Hamadi, Nora, Slimane Azem, Rabah Deriassa, Rachid Mesbahi, Mazouni…) sur la scène artistique. «Mais, il en sera tout autrement des chanteurs de la nouvelle vague des années 1970 pour laquelle ces scopitones restent aujourd'hui de rares témoignages filmés de la naissance d'Idir et du groupe des Abranis pour ne citer que ceux-là», a souligné le conférencier. Et de poursuivre : «Sans ces scopitones, nous n'aurions sans doute pas eu d'images du fondateur de la chanson kabyle de l'exil, Slimane Azem. Les rares vidéos-clips de ce grand chanteur populaire, disque d'or à la maison Pathé Marconi en 1970, constituent aujourd'hui des archives visuelles rares. » Mais l'avènement des scopitones signifiait également, selon le conférencier, le déclin des cafés chantants où les artistes et leur troupe musicale itinérante se produisaient, créant une ambiance humaine, un contact direct entre chanteur et son public. A l'orée des années 1980, s'éteignent les scopitones devant le boom des K7, la télévision dans les foyers…» Il est à relever que l'aventure des scopitones a été rendue dans un documentaire intitulé Trésors de scopitones arabes, kabyles et berbères, réalisé en 1995 par Michèle Collery.