Structure n La 1re classe «braille» pour analphabètes non-voyants a ouvert, jeudi, ses portes à l'école Malika-Gaïd, dans la daïra de Hadjout. Cette initiative du bureau local de l'union nationale des non-voyants, en étroite collaboration avec l'office national d'alphabétisation, section de Tipaza, a permis d'illuminer la vie des 17 non-voyants inscrits dans cette école tous âges confondus une fois par semaine. «Nous sommes en train de sensibiliser cette frange de la société en nous déplaçant par bus avec des accompagnateurs. Une mission fatigante et coûteuse, mais nous tenons le coup pour faire sortir ces non-voyants de l'isolement», nous a indiqué le président du bureau local de l'union des non-voyants, Mohamed Dahel, lui-même non-voyant. «Nous sommes en train de recenser tous les non-voyants de la wilaya qui en compte quelque 1 000 dont plus d'une centaine de diplômés (standardistes, licenciés…) au chômage. Cela outre les non-voyants qui ne sont jamais allés à l'école faute de moyens», a-t-il déclaré appelant le ministère de la solidarité à revoir à la hausse l'aide mensuelle de 1 000 DA jugée insuffisante pour subvenir à leurs simples besoins. L'une des raisons qui a poussé le jeune Mohamed Haloui, 20 ans, non-voyant à 100%, à quitter l'école en 3e année primaire. «Je suis très heureux de l'ouverture de cette classe qui nous offre une autre chance dans la vie. Malheureusement avec les 1 000 DA, je ne pouvais me permettre le voyage hebdomadaire de Messelmoun (Gouraya) vers Alger.» «Je souhaite l'ouverture d'une section de l'école d'El-Achour, ici, à Tipaza», a-t-il ajouté. Son ami de classe, Fethi Mayouf, 36 ans, de Hadjout est handicapé non-voyant à 95%. Père de 2 enfants, il veut quand même renouer avec l'école qu'il a quittée en 6e année primaire. «Je souhaite réussir, cette fois-ci, tout en appelant mes amis non-voyants dans toutes les localités de la wilaya, à profiter de cette chance qui nous est offerte pour pouvoir trouver du travail plus tard. Moi, je suis très pauvre et je ne travaille pas. Mais je tiens le coup avec le soutien et l'aide de mes voisins et amis», a-t-il affirmé. La classe regroupe aussi des personnes plus âgées, armées d'une grande volonté comme El-hadj Mohamed Zaïda, 66 ans, qui ne rêve que de deux choses : «Trouver du travail et lire les œuvres de Taha Hussein», nous a-t-il confié. «Je vis au village rural Sahel avec ma femme et mes trois enfants. Nous vivons difficilement avec les 4 000 DA par mois dont 3 000 que mon épouse gagne en tant que femme de ménage. Cette école m'a rendu l'espoir car j'étais toujours à l'écart de la société alors que j'aime discuter, débattre de sujets en groupe notamment avec les handicapés comme moi. J'ai toujours souhaité trouver un travail manuel, en vain… On ne veut pas de moi», a-t-il repris. Enfin, Abdelkader Yamnaine, 31 ans, nous a impressionnés par sa volonté de savoir, pour la première fois de sa vie, ce qu'est une école. «Je n'ai jamais mis les pieds dans une classe. Je suis content et j'espère apprendre le braille pour écrire et lire librement. J'ai été marginalisé, car j'étais analphabète. J'espère maintenant apprendre pour pouvoir trouver du travail et aider mon père et fonder une famille. Je viens de Gouraya et c'est loin. C'est le président de l'union des non-voyants qui m'a poussé à sortir de mon isolement», nous a-t-il confié. l La gent féminine est également présente en classe «braille». Pas en force, mais c'est un début. Bora, 29 ans, de Bourkika, non-voyante à 95%, a arrêté ses études en 6e année primaire, «à cause de mon handicap», s'est-elle désolée. «Grâce au braille, je vais reprendre mes études. Mais on n'a que trois brailles seulement pour toute la classe. Je voudrais décrocher un diplôme puis un travail pour subvenir à mes propres besoins», nous a-t-elle confié avant d'être interrompue par son amie, Farida Belkalam, 20 ans, handicapée à 90%, venue du village Fedjana à quelque 20 km de Bourkika. «Moi, j'ai malheureusement arrêté l'école en 9e année à cause aussi de mes yeux. Je suis actuellement au centre de formation de Bourkika, section magasinier et je vais faire un autre stage comme standardiste, mais avant, je dois apprendre, ici, le braille pour pouvoir réussir. Je remercie mes professeurs au centre qui m'ont beaucoup aidée.» Pour sa part, l'enseignante bénévole, Hayet Laâdjal, licenciée en lettres arabes, a appelé l'Etat à aider et à encourager ces handicapés en leur fournissant des brailles et des stylos pour leur faciliter l'apprentissage rapide. «Les autorités, les bienfaiteurs et toute la société civile devraient nous aider. Nous n'avons que 3 brailles pour un grand nombre d'élèves qui nécessitent un matériel pédagogique», a-t-elle déclaré. De son côté, le directeur de l'office d'alphabétisation de Tipasa, Abdelaziz Benkhedouja, nous a annoncé que cette modeste initiative n'est qu'une base pour l'ouverture officielle en septembre de plusieurs classes «braille» pour les non-voyants au début, dans les plus grandes villes de la wilaya, à Cherchell, Koléa, Hadjout, Bou-Ismaïl et Tipasa.