Résumé de la 1re partie n Pour effacer la mémoire collective, des républicains, fraîchement au pouvoir, détruisent avec haine toutes les statues, mais aussi les monuments qui symbolisent la monarchie… Mais l'enthousiasme et les larmes n'ont qu'un temps. D'autant plus qu'aux frontières du pays les armées de «féroces soIdats» se préparent à venir «jusque dans nos bras, égorger nos fils et nos compagnes». Pendant trois ans, les corps maîtrisés des anciens rois, les têtes, les couronnes et les sceptres restent en vrac, en attendant que David se décide à créer le monument dont il a eu l'idée... Le bon peuple de Paris, et surtout des environs de Notre-Dame, tant par commodité que par esprit patriotique, se croit obligé, pendant trois ans, de venir déverser ses pots de chambre et ses détritus sur le tas de scuIptures gothiques ; les rats s'en donnent à cœur joie ; les odeurs qui se répandent deviennent pestilentielles. Quant à l'aspect esthétique, n'en parlons pas. Quelques citoyens plus réalistes que les autres finissent par demander que l'on retire cette montagne d'ordures. «De nombreux individus utilisent ce tas de pierres comme latrines publiques ! Cela nuit à la pureté des mœurs. En outre, cela gêne la circulation des véhicules, dans un quartier où les rues sont déjà assez étroites et dangereuses comme ça.» De plus, la nuit, des malveillants peuvent s'y cacher... Du coup, la «montagne» de David se transforme, administrativement parlant, en «tas de moellons». Tous les matériaux de construction sont bons à vendre. On ouvre une adjudication. Et c'est un certain Bertrand, demeurant dans l'île de la Cité, qui emporte le marché nauséabond, pour 380 livres. On est au mois de juin 1796, et, sous la chaleur, les moellons doivent présenter un aspect particulièrement peu engageant ! Il emporte ses «moellons royaux», et personne ne sait plus ce qu'il en fait... Il a simplement fallu réparer la chaussée devant Notre-Dame : elle avait été endommagée par les chutes répétées de ces rois gigantesques à la tête dure. Albert Lenoir intervient quelques années plus tard. Son père, Alexandre Lenoir, s'est fait un nom dans l'histoire pour avoir essayé – et souvent avec succès — de diminuer le vandalisme révolutionnaire, en particulier à la basilique de Saint-Denis. Il a aussi créé un musée des Monuments français, énorme bric-à-brac peuplé de débris de monuments. En passant rue de la Santé, Albert Lenoir remarque un mur, celui du marché au Charbon. Ce mur est renforcé par des bornes de pierre. Lenoir est intrigué par ces bornes, il s'approche, les examine et découvre qu'elles portent toutes des motifs sculptés, comme si c'étaient des «statues-colonnes», retournées et plantées la tête en bas dans le soI. C'est bien ce dont il s'agit. Il en avise le préfet de la Seine. Celui-ci, intéressé par l'archéologie, fait déterrer les bornes. On les expose sur place, puis on les transporte dans la grande salle du palais de Cluny. L'une des statues est identifiée comme le saint Pierre qui ornait le portail Sainte-Anne de Notre-Dame. Un autre fragment est la tête du roi David. Mais que sont devenues les autres statues ? Il faudra attendre le printemps de 1977 pour qu'elles réapparaissent, du moins en partie. (à suivre...)